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Richard Ilunga : l’ONIP va procéder à l’identification de la population avant les élections de 2023
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4 ans agoon
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RedactionH
Monsieur Richard Ilunga, vous êtes Directeur Général de l’Office National d’Identification de la Population. Quelles sont les missions liées à votre fonction ?
Je suppose que, quand vous parlez des missions liées à ma fonction, vous voulez parler des missions de l’ONIP. Par rapport à ma fonction, j’ai été nommé à la tête de l’ONIP il y a un peu plus d’une année. Mes missions à la tête de cet important établissement public sont celles d’implémenter sa gestion efficace et efficiente pour réaliser les missions qui lui ont été attribuées par le Gouvernement. Ces missions sont pour l’essentiel au nombre de cinq. Il s’agit premièrement de procéder à l’identification systématique et effective des Congolais où qu’ils se trouvent en RDC ou à l’étranger. Il s’agit également de bien connaître les étrangers qui vivent dans notre pays. A partir de cette opération d’identification, et c’est là la deuxième mission, l’ONIP va constituer une base de données que l’on appellera Fichier Général de la Population qui sera la base légale de l’authentification de l’identité de chaque Congolais car il indiquera les données biographiques, les données biométriques, les liens de descendance et d’ascendance, l’adresse de chaque individu. Toutes ces données personnelles seront liées à un numéro national d’identité ; ce qui va renforcer la sécurisation de l’identité légale de chaque individu identifié. La troisième mission de l’ONIP est de délivrer une carte d’identité sécurisée à chaque Congolais, à chaque Congolaise et une carte de résident à chaque étranger vivant sur le sol congolais. La quatrième mission sera d’assurer une mise à jour régulière du FGP et assurer son interopérabilité avec tous les services qui utilisent l’identité des personnes. Enfin, l’ONIP a aussi pour rôle de conseiller le Gouvernement concernant les politiques de population. Mon rôle de Manager est de créer un leadership technique de prise en charge de toutes ces missions dont l’enjeu est de basculer notre pays dans une ère moderne et de répondre aux standards internationaux de gestion de la population et de ses mouvements.
Quelle est la différence entre le recensement, l’enrôlement et l’identification de la population ?
Quand vous parlez recensement, je suppose que vous faites allusion au recensement scientifique car il existe aussi le recensement administratif qui, lui, est lié à l’identification de la population. Le recensement scientifique est une opération qui consiste dans le dénombrement de la population en relevant ses principales caractéristiques sur base de quelques variables de la composition de ménage, de la situation s o c i o é c o n o m i q u e , de l’habitat, de bienêtre, socioculturelles… Le recensement de la population et de l’habitat vise à doter le pays des statistiques qui pourront être utilisées à des fins des études et de planification. L’identification par contre consiste à personnaliser, à individualiser, à donner une identité légale à chaque individu en partant de ses données biographiques et biométriques qui l’authentifient comme tel. Ce que l’on ne retrouve pas dans le recensement scientifique. Comme vous pouvez le constater : seule l’identification nous permet d’identifier les Congolais au pays et à l’étranger Quant à l’enrôlement, je suppose que vous voulez parler de l’enrôlement électoral. Il s’agit d’une identification dont le but est d’enregistrer les personnes de nationalité congolaise qui remplissent les conditions fixées par la loi électorale.
Lors de la rentrée parlementaire de mars, le Président de l’Assemblée nationale avait souligné la nécessité de procéder au recensement de la population avant les élections de 2023 et le Président du Sénat l’a relayé en clôturant ladite session. En quoi cette opération est-elle importante aux autres missions de votre fonction ?
A l’Office National d’Identification de la Population, nous applaudissons cette volonté politique exprimée par les hautes autorités de notre pays qui ont pris la mesure des enjeux de cette opération tant sur le plan national qu’international. Au plan national, il n’y a plus l’ombre d’un doute que les congolais et les congolaises ont pris conscience de l’importance de détenir une carte d’identité comme un droit humain légitime dans un Etat de droit. L’Etat congolais d’avoir une réelle maîtrise de sa population sur laquelle il exerce sa souveraineté en plus du territoire national. C’est une question de souveraineté nationale. Au plan international, la carte d’identité sécurisée est l’un des objectifs de développement durable à l’horizon 2030. Aussi, voyez-vous que sur le plan régional, les pays africains se mettent de plus en plus d’accord sur la libre circulation des biens et des personnes. Il faut que chaque pays rassure les autres de ses citoyens contre la fraude à l’identité et des pratiques illicites qui peuvent résulter d’une identité usurpée par exemple. Les enjeux liés à la carte d’identité sont énormes.
Quelles sont les chances qu’on a à voir la population de la RDC identifiée ou recensée ?
Aujourd’hui, au moment où l’unanimité se dégage au sommet de l’Etat pour aller tous dans le même sens, l’ONIP a toutes les chances de procéder à l’identification de la population. SEM le Président de la République, Chef de l’Etat, Félix Antoine Tshisekedi, SEM le Premier ministre Sama Lukonde et tout son Gouvernement poussent la machine pour que cela arrive dans de meilleurs délais. Le Président de l’Assemblée Nationale Mboso Nkodia Mpuanga et tout dernièrement le Président du Sénat ont souligné l’importance du recensement. Tout récemment, le Premier Ministre a mis sur pied une commission interministérielle sur cette question. L’ONIP a pris part aux travaux en tant que structure attitrée du Ministère de l’Intérieur. Le Premier ministre avait imposé des délais très serrés et aujourd’hui les conclusions sur la solution technique, financière et opérationnelle se trouvent sur sa table. Le dossier est suffisamment avancé à ce jour et l’optimisme pointe à l’horizon.
Quel est le lien que l’ONIP a avec la CENI ?
Sur le plan administratif, il n’y a aucun lien entre les deux structures. L’ONIP est un établissement public sous tutelle du ministère de l’intérieur avec autonomie de gestion tandis que la CENI est une structure indépendante d’appui à la démocratie qui a pour mission principale l’organisation des élections. Sur le plan pratique cependant, on peut trouver des passerelles de collaboration entre les deux institutions. Ainsi par exemple, l’ONIP peut mettre à la disposition de la CENI un fichier électoral extrait du Fichier Général de la Population. La technologie moderne sur les questions d’enregistrement de la population le permet aujourd’hui; ce qui ressemble à un exploit uniquement. Sur le terrain, les deux peuvent mener des opérations conjointes et chacune se préoccupant de ses objectifs. Mais cela relève de la volonté politique qui peut en décider ainsi car il y a un avantage certain sur le plan financier de réduction des coûts des opérations. L’ONIP pourrait aussi bénéficier de l’expérience et des infrastructures de la CENI qui a déjà procédé à trois cycles électoraux.
En mars 2021, vous avez vu le Président de l’Assemblée nationale en vue de plaider pour la mise sur pied d’un collectif budgétaire qui prendra en compte la question de l’identification générale de la population congolaise. Qu’en est-il ?
L’initiative du collectif budgétaire relève de la seule compétence du Gouvernement. L’ONIP n’a aucun pouvoir en la matière. Tous les contacts que nous avons eus avec les institutions relèvent d’un plaidoyer bien pensé afin de sensibiliser ceux qui ont la décision à la nécessité de doter enfin l’ONIP des moyens afin de lui permettre de jouer pleinement son rôle et répondre ainsi aux missions qui lui ont été assignées. Partout où le responsable de l’ONIP est passé, il a rencontré des oreilles attentives et des personnes qui partagent le même souci que nous. Aujourd’hui, nous pouvons nous réjouir quand nous entendons le Ministre des finances annoncer qu’un collectif budgétaire sera introduit au Parlement dès le mois de septembre. Notre espoir est que ce collectif rencontre nos attentes.
L’ONIP avait évalué à 300 millions de dollars le montant nécessaire pour l’identification de la population. Ce n’est pas exagéré ?
Exagéré par rapport à quoi ? Les chiffres que nous donnons, sont le résultat d’une étude minutieuse. D’ailleurs, nous parlions de 350 millions et non 300. Ce coût comprend l’achat des équipements ; de la technologie et de l’intelligence artificielle pouvant nous permettre de faire notre travail ; les coûts de fournitures sécurisées et de consommables ; le coût des opérations de terrain; etc. Ce ne sont pas des chiffres tombés du ciel. Tout est ventilé dans les détails.

Tenant compte du manque d’infrastructures en RDC, notamment les routes, de combien de temps avez-vous besoin pour identifier la population ?
Notre plan opérationnel est défini dans le temps. A l’ONIP, nous avions pris le pari de doter chaque citoyen congolais d’une carte d’identité nationale d’ici le mois de décembre 2022 mais pour cela, il faut que rapidement les moyens soient mis à la disposition de l’ONIP et que les opérations préalables commencent déjà cette année pour pouvoir tenir cette échéance. Plus tard, on commencera, plus il y aura de risques sur les opérations.
En 2014, lorsqu’on avait parlé du recensement de la population à l’approche des élections, Vital Kamerhe avait dénoncé ce qu’il avait qualifié de moyen de prolonger le mandat de Joseph Kabila. Tente-ton d’utiliser aujourd’hui l’ONIP pour passer outre l’organisation des élections en 2023 ?
Je venais de vous dire que l’ONIP a mis le cap sur décembre 2022 pour délivrer la carte d’identité nationale à chaque citoyen. En quoi, cette échéance dérangerait-elle les élections ? Moi, je vous parle de ce qui se fait et va se faire sur le terrain. C’est un engagement pris au plus haut niveau. Pour le reste, les Congolais sont libres de s’exprimer mais il est préférable qu’on s’approche de l’ONIP pour bien comprendre les choses. Vous faites référence à 2014. Regardez votre calendrier, on est en 2021.
Parce que la carte pour citoyen devra être délivrée au terme de l’identification de la population, devra-t-on tenir compte des Congolais nés de père et de mère congolais et ceux nés d’un seul parent congolais ?
Je vous ai dit que la Carte d’Identité Nationale sera délivrée à TOUS les Congolais vivant sur le sol congolais et ceux vivant à l’étranger. Vous êtes Congolais, vous avez droit et vous aurez votre Carte d’identité.
Propos recueillis par Hubert MWIPATAYI
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RDC : quelle solution face à la spoliation des espaces publics ?
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6 heures agoon
mai 22, 2025By
La redaction
En République démocratique du Congo (RDC), les espaces publics font souvent l’objet de spoliation. Des sites publics, ronds-points, terrains de football, camps militaires, rien n’est épargné. À Kinshasa, dans la commune de la Gombe, un carrefour serait vendu à un sujet libanais. Ces pratiques ont la peau dure malgré le changement des dirigeants au pays. Ce qui suscite des questions quant à la protection des espaces publics en RDC.
Au croisement des avenues Sénégalaises, Kabasele Tshiamala (ex-Flambeau) et Tabu Ley (ex-Tombalbaye), un carrefour public serait vendu à un sujet libanais. Des bureaux de police, des véhicules abandonnés, quelques kiosques commerciaux, des cabines téléphoniques ont été expulsés. « Nous sommes surpris de voir quelqu’un acheter ce rond-point. On ne sait même pas ce qu’il compte en faire. Nous demandons aux autorités de s’impliquer dans cette situation », a réagi une tenancière de kiosque, sous anonymat. Cette spoliation se fait à l’insu des autorités locales. « J’ai été surprise d’apprendre que cette parcelle a été vendue. Quand quelqu’un achète une parcelle, il doit d’abord commencer par le quartier […] J’ai appris que c’est un sujet libanais qui est l’acquéreur. Je ne sais pas ce qu’il veut en faire », a déclaré Rachel Banyamo, chef du quartier Commerce, dans la commune de la Gombe. Ces cas de spoliation sont légion en République Démocratique du Congo.
Toujours à Kinshasa, un autre espace public a été vendu à un sujet indien. Pourtant, ce site a été longtemps déclaré non aedificandi suite aux collecteurs d’eau et autres tuyaux qui passent en dessous de ce site. Mais ce lieu a été vendu. Il a fallu l’intervention du président de la République en conseil des ministres pour que les spoliateurs arrêtent leurs travaux. Personne n’a été sanctionné pour cet acte de spoliation.
En 2020, plus de 3 500 personnes victimes de démolitions des maisons et spoliations de terres à Mbobero, Mbiza et marrée de Murhundu dans le territoire de Kabare, dans la province du Sud-Kivu, avaient déposé une plainte à la Cour de cassation à Kinshasa et une autre copie réservée au parquet près le tribunal de Grande instance de Kavumu contre le président honoraire Joseph Kabila pour spoliation « destruction méchante, pillage, tortures et crime contre l’humanité ».
Cette plainte a été déposée à la cour de cassation de Kinshasa/Gombe et une autre copie au parquet près le tribunal de grande instance de Kavumu au Sud-Kivu. Selon Jean Chrysostome Kijana, président national de la Nouvelle dynamique de la société civile et vice-président du collectif « Tournons la page », Joseph Kabila s’est illégalement approprié les parcelles de plus de 3 500 personnes, qui étaient devenus sans abris après une « destruction méchante » de leurs habitations.
Lits des rivières et la Baie de Ngaliema spoliés
En dehors des autorités politiques, des citoyens profitent également de la faiblesse de l’État pour s’octroyer des terres parfois dans des zones non aedificandi. C’est le cas des occupants des servitudes ferroviaires le long de la voie ferrée entre la Gare centrale et Kintambo-Magasin, à Kinshasa. D’autres occupent les rives des rivières Makelele, Mapenza, Kalamu, N’djili et Lukuya. Certaines parcelles de constructions sur ces terrains sont en cours de démolition. Mais l’opinion publique dénonce la politique de deux poids deux mesures. Sur la Baie de Ngaliema, située entre le complexe Utex Africa et le chantier naval de Chanimétal, des constructions illégales poussent également dans cette zone non aedificandi. « Sur ce site, il n’y a que des puissants du régime présent et passé qui construisent. Ils se protègent entre eux, personne ne va démolir leurs constructions anarchiques », pointe un riverain qui dit détenir les noms des ministres et autres responsables politiques qui spolient ce site.
Une spoliation qui cause des inondations
Ces constructions anarchiques sont également la cause des inondations qui endeuillent la ville de Kinshasa. Beaucoup de quartiers se sont développés sans respect des normes urbanistiques, souvent dans les lits des rivières ou les zones marécageuses. Les obstructions des exutoires naturels tels que les rivières et leurs lits provoquent ces inondations. Dans la quête de solution à ces problèmes, le Gouverneur de la ville de Kinshasa, Daniel Bumba, a reçu, le 21 mai 2025, les conclusions d’une étude conduite par le bureau d’études URBAPLAN, mobilisant ingénieurs, urbanistes, architectes et géographes. Cette mission avait pour objectif d’analyser en profondeur les causes des inondations qui ont récemment frappé la capitale, causant de lourdes pertes humaines et matérielles. D’après ces experts, plusieurs facteurs aggravants sont à la base de ces catastrophes, notamment l’insuffisance du système de drainage, l’accumulation des déchets notamment dans la rivière N’djili et l’occupation anarchique des zones à risque. En réponse, ils proposent un ensemble de mesures correctives structurées autour de trois axes : la réhabilitation des infrastructures de drainage, le renforcement de la collecte des déchets, et la déclaration de certaines zones comme non constructibles.
Autre responsabilité à pointer, c’est la faiblesse de l’État congolais. Des agents de l’État délivrent des titres de propriété à des occupants illégaux. Une faiblesse à corriger si l’on veut mettre un terme à l’anarchie dans ce secteur.
Heshima
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RDC : Kabila, Mutamba, Matata, ces grands noms dans le collimateur de la justice
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12 heures agoon
mai 22, 2025By
La redaction
C’est un séisme judiciaire qui secoue la République démocratique du Congo (RDC). Le ministre de la Justice, Constant Mutamba – réputé pour ses injonctions de poursuites – est lui-même au cœur d’une action judiciaire initiée par le procureur général près de la Cour de cassation. Dans un autre tableau, l’ancien Premier ministre, Augustin Matata Ponyo a été condamné, le 20 mai 2025, à 10 ans de travaux forcés dans le cadre du dossier du parc agro-industriel de Bukanga Lonzo. Enfin, ce jeudi 22 mai, le Sénat va se prononcer sur la levée ou non des immunités de Joseph Kabila poursuivi pour crime de guerre. Ces dossiers mêlant des grands noms de ce pays constituent un tournant judiciaire majeur en RDC.
Constant Mutamba : le ministre de la Justice sous enquête
Le procureur général près de la Cour de cassation a demandé le 21 mai 2025 à l’Assemblée nationale l’autorisation de poursuivre le ministre d’État en charge de la Justice, Constant Mutamba, pour présumé détournement des fonds publics estimés à 39 millions de dollars, alloués à la construction d’un complexe pénitentiaire à Kisangani, dans la province de la Tshopo. Pour statuer sur ce cas, la chambre basse du Parlement a mis en place une commission pour auditionner Constant Mutamba avant d’autoriser l’ouverture de l’information judiciaire à son encontre. Ces faits, qui avaient commencé comme des rumeurs, ont pris une tournure sérieuse après le réquisitoire du procureur général Firmin Mvonde adressé à l’Assemblée nationale. Chaque groupe parlementaire envoie un de ses membres pour composer cette commission.
Depuis le 14 mai dernier, Constant Mutamba avait fait l’objet de deux questions orales avec débat à l’Assemblée nationale au sujet du dossier lié à la construction d’une nouvelle prison à Kisangani. Les députés Fontaine Mangala, élu de Kisangani, et Willy Mishiki, élu à Walikale, voulaient obtenir des éclaircissements sur le décaissement présumé de 39 millions de dollars sans passation régulière des marchés publics. Ces élus ont décelé des irrégularités administratives et réclament des comptes au ministre Mutamba.
Par ailleurs, Mutamba avait déjà été interpellé à l’Assemblée nationale le 14 mai 2025 concernant des irrégularités dans la gestion des fonds alloués à la construction de prisons, notamment à Kinshasa, où un détournement de 5 millions de dollars avait été signalé. Des arrestations ont été effectuées dans ce dossier, incluant celle de l’ancien vice-ministre de la Justice, Bernard Takayishe.
Mutamba, une bête noire de la magistrature ?
En poste depuis juin 2024, Constant Mutamba a mené une lutte contre des réseaux mafieux au sein de la magistrature. Il a bancarisé des frais de justice en vue non seulement de renforcer la transparence et l’efficacité financière mais aussi garantir une meilleure traçabilité des transactions financières liées aux procédures judiciaires. Plusieurs réformes initiées par lui ont provoqué des tensions avec le Conseil supérieur de la magistrature, notamment lors des états généraux de la justice.
Au sein de l’opinion, ce dossier suscite des réactions contrastées. Le président de l’Association africaine de défense des droits de l’homme (ASADHO), Jean-Claude Katende recommande la prudence dans cette affaire, percevant une forme de règlement des comptes contre Constant Mutamba à cause de sa lutte contre les réseaux mafieux au sein de la justice et dans tout le pays. Mais si les faits qui lui sont reprochés sont avérés, cet activiste n’exclut une démarche judiciaire.
Matata Ponyo : une condamnation historique
L’ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo a été condamné à 10 ans de travaux forcés dans le dossier lié au projet de parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo, un programme agricole lancé en 2014, mais largement critiqué pour son échec et ses irrégularités financières. Si certains ont salué la condamnation d’un grand nom parmi des puissants impliqués dans des faits de détournement, d’autres évoquent une sélectivité des personnes à viser. « La justice doit toucher tout le monde », a insisté Jean-Claude Katende, appelant à une justice équitable et impartiale. Cet activiste regrette que malgré de nombreux scandales financiers ayant émaillé d’autres projets, certains responsables aient été acquittés, nourrissant ainsi un sentiment d’injustice dans la société.
Au niveau de l’Assemblée nationale, la condamnation de Matata jette un sentiment d’insécurité, d’après certains parlementaires. Ils évoquent « l’insécurité juridique » des députés nationaux et demandent la surséance de la décision de la Cour constitutionnelle. « Notre Cour constitutionnelle a pris une tendance dangereuse à s’octroyer un pouvoir d’interprétation plus large », fait remarquer le député national et constitutionnaliste Paul Gaspard Ngondankoy.
Pour Georges Kapiamba, président de l’Association congolaise pour l’accès à la justice (ACAJ), cette condamnation constitue un avertissement lancé à tous les prédateurs des finances publiques.
L’ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo déplore les multiples manœuvres de la Cour constitutionnelle et de la Cour de cassation visant à « condamner un homme politique qui n’a volé aucun dollar du Trésor public », a-t-il déclaré. Il précise : « Le dossier Bukanga Lonzo est né parce que j’ai refusé d’intégrer l’Union sacrée ».
Joseph Kabila : un avenir politique en suspense
Un autre dossier judiciaire et non de moindre, c’est celui de la levée de l’immunité de l’ancien président et sénateur à vie Joseph Kabila. Le Sénat a prévu de se prononcer, ce jeudi 22 mai 2025, sur la levée ou non de l’immunité de cet ancien chef de l’Etat. Ce dernier est poursuivi pour crime de guerre et complicité avec la rébellion de l’Alliance Fleuve Congo (AFC/M23). C’est un enjeu crucial pour la suite de ce dossier de Joseph Kabila. Une commission spéciale du Sénat, composée de quarante membres, a examiné le réquisitoire de l’auditeur général des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), le lieutenant-général Lucien René Likulia. Elle a rendu son rapport, et la plénière du Sénat va se prononcer. Les sénateurs vont procéder au vote à bulletin fermé, après débat général sur le rapport de cette commission spéciale.
Cette commission dirigée par l’ancien chef de la diplomatie congolaise, Christophe Lutundula, avait eu 72 heures à compter de lundi 19 mai pour soumettre son rapport à l’Assemblée plénière. Le Sénat prévoyait aussi d’auditionner Joseph Kabila. Une invitation formelle lui a été adressée par le président du Sénat, Jean-Michel Sama Lukonde. Mais c’était une formalité car le sénateur à vie séjourne depuis plus d’un an en dehors du pays et n’a pas été auditionné même à distance. Le sort de Joseph Kabila sera donc connu cette semaine, celui de Constant Mutamba est aussi suspendu à la décision de la commission spéciale mise en place à l’Assemblée nationale.
Heshima Magazine
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Kinshasa : Daniel Bumba face à une ambition confrontée à la réalité
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1 jour agoon
mai 21, 2025By
La redaction
En juin 2024, Daniel Bumba Lubaki, cadre du parti au pouvoir l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), prend officiellement ses fonctions comme gouverneur de Kinshasa, succédant à Gentiny Ngobila Mbaka. Élu avec une large avance en avril 2024, il hérite d’une capitale congolaise asphyxiée par des problèmes structurels : routes dégradées, insécurité incarnée par les bandes de “Kuluna”, insalubrité chronique, chômage endémique et, plus récemment, des inondations dévastatrices. Son programme “Kin Ezo Bonga”, dévoilé en août 2024, promet une transformation radicale de la ville à travers des investissements massifs dans les infrastructures, la sécurité, l’assainissement et le développement économique. À l’approche de juin 2025, après un an de mandat, ce bilan dresse un portrait nuancé de sa gestion, s’appuyant sur des témoignages, des analyses et des données disponibles, tout en explorant les avancées et les obstacles qui ont marqué cette période.
Gestion des inondations : une réponse controversée
Les inondations, fléau récurrent à Kinshasa, ont durement frappé la ville entre 2024 et 2025. Fin 2024, de fortes pluies avaient déjà submergé Limete, Ngaliema et Masina. L’administration Bumba avait alors lancé des curages de caniveaux et mobilisé des aides d’urgence. Mais la saison des pluies 2025 a encore aggravé la situation. Entre mars et avril, plus de 500 000 personnes ont été affectées, 78 décès recensés, et des milliers de déplacés abrités dans les stades Tata Raphaël, des Martyrs ou Bandalungwa. Le gouverneur a visité les sinistrés, ordonné la désinfection des quartiers inondés et accéléré la réhabilitation des voiries. Le projet Topetola, en partenariat avec l’Agence Française de Développement (AFD), a été lancé pour renforcer le drainage à Masina et Limete. Mais l’ampleur des dégâts montre que les mesures structurelles manquent toujours.
Face à la gravité des crues, l’exécutif provincial a aussi procédé à des démolitions ciblées dans les zones à haut risque. Plusieurs constructions illégales le long des rivières et emprises ferroviaires ont été rasées, notamment à Ngaliema. Ces opérations ont suscité des protestations : absence de concertation, relogement inexistant, méthodes brutales. Certains dénoncent l’arbitraire des interventions, certaines zones à risque ayant été épargnées. Des voix de la société civile ont également accusé le gouvernement de mauvaise gestion des fonds alloués à l’assainissement. Malgré les curages intensifs, les travaux de drainage restent ponctuels. Aucune alerte précoce n’a été mise en place, et aucun plan directeur d’urbanisme n’a été publié. En l’état, les réponses de la ville apparaissent plus réactives que préventives, révélant une incapacité à encadrer durablement l’urbanisation et à anticiper les risques climatiques.
Kinshasa ne dispose toujours pas de plan d’aménagement actualisé ni d’infrastructures comme des bassins de rétention, stations de pompage ou grands canaux. Le programme de “civisme écologique” lancé par Bumba reste limité à la sensibilisation, sans véritable appropriation par les citoyens. Les centres d’hébergement sont improvisés, surpeuplés, et les enfants déplacés sont privés d’école. Les ONG recommandent la création de lotissements sécurisés pour reloger les sinistrés et la réquisition de sites publics en cas de crise. Malgré sa volonté affichée, l’administration Bumba peine à rassurer. Pour rompre le cycle des catastrophes, elle devra aller au-delà des opérations visibles et enclencher une transformation profonde du territoire urbain, articulée à une gouvernance transparente et résolument tournée vers la résilience.
Embouteillages : un défi persistant
À Kinshasa, les embouteillages restent une plaie ouverte. Le quotidien des habitants est rythmé par des heures perdues dans la circulation, notamment sur les grands axes comme le boulevard Lumumba ou l’avenue de Libération. L’urbanisation galopante, l’insuffisance de routes secondaires et l’état de dégradation avancée du réseau routier accentuent cette crise. Malgré les promesses de modernisation, la saturation du trafic freine l’activité économique et nuit à la qualité de vie. La croissance incontrôlée du parc automobile, les parkings anarchiques et l’absence de transports en commun fiables entretiennent ce chaos urbain. Pour les Kinois, circuler est devenu un parcours du combattant. L’administration provinciale, dirigée par Daniel Bumba, a reconnu l’ampleur du problème et tenté de réagir, mais les actions entreprises tardent encore à produire des effets concrets sur le terrain.
Depuis 2024, l’équipe de Daniel Bumba a lancé plusieurs chantiers pour désengorger la capitale. Des avenues stratégiques comme Kwilu, Kimwenza ou Colonel Ebeya font l’objet de réhabilitations, mais les travaux avancent lentement, retardés par les pluies, le manque de financements et des litiges contractuels. La province prévoit aussi la création de parkings modernes et d’aires de stationnement, avec un budget spécifique voté en 2025. Dans la Gombe, des constructions anarchiques ont été démolies pour libérer l’espace public, notamment autour de la gare ONATRA. Par ailleurs, une tentative de réguler les taxis-motos a échoué, faute d’alternatives viables pour les usagers. Si les intentions affichées sont ambitieuses, leur mise en œuvre reste incomplète. À ce jour, les effets sur la circulation sont encore minimes, et la population exprime un désenchantement croissant face à l’absence de résultats visibles.
Un projet phare a été annoncé fin 2024 : le lancement d’un système de bus à haut niveau de service (métrobus), en partenariat avec une entreprise turque. Ce réseau, censé révolutionner les déplacements à Kinshasa, n’a pour l’instant pas dépassé la phase d’étude. D’autres propositions comme le BRT (Bus à haut niveau de service) ou des lignes ferroviaires urbaines sont évoquées, mais rien de concret n’a encore émergé. En parallèle, certaines mesures, comme la circulation alternée ou l’interdiction des motos dans la Gombe, ont suscité critiques et incompréhension. Faute d’offre de transport public solide, ces décisions apparaissent déconnectées des réalités vécues par les Kinois. Un an après l’arrivée de Bumba, les attentes restent fortes. Les habitants réclament non plus des plans mais des résultats. La province est à la croisée des chemins : entre continuité des blocages ou transition réelle vers une ville fluide et fonctionnelle.
Infrastructures : des chantiers prometteurs mais inachevés
Sur les quelque 4 000 km de routes recensées à Kinshasa, seuls 1 006 sont revêtus, dont la majorité en mauvais état. Pour corriger ce déséquilibre, le gouvernement provincial consacre près de 25 % de son budget à la mobilité et à l’aménagement urbain. Depuis fin 2024, 17 chantiers majeurs ont été lancés, notamment autour du marché central, dans l’objectif de moderniser les axes clés et désengorger la capitale. Le gouverneur s’est fixé comme ambition de porter à 2 000 km le linéaire de routes réhabilitées d’ici la fin de son mandat. Cette stratégie vise à doter Kinshasa d’une voirie résiliente, apte à supporter le climat et l’urbanisation croissante.
Plusieurs axes stratégiques sont en réhabilitation sous l’impulsion provinciale : les avenues Kwilu, Kimwenza et Colonel Ebeya figurent parmi les plus avancées. À Bandalungwa, la modernisation de l’avenue Kisangani est confiée à Moderne Construction, avec près de 500 mètres de bitume déjà posés. Autour du marché central, des routes comme Rwakadingi et Plateau font l’objet d’un bétonnage confié à Safrimex. Jin Jin International exécute quant à elle la boucle Wangata–Usoke–Hôpital. En parallèle, le gouvernement a entrepris le dragage de la rivière Kalamu et le curage de la Mososo pour prévenir les inondations récurrentes. Ces efforts conjoints visent une amélioration tangible de la mobilité et de l’assainissement. Toutefois, la lenteur de certains chantiers interroge, malgré l’ampleur des moyens mobilisés et la pression politique croissante pour obtenir des résultats visibles.
Malgré l’élan affiché, les retards se multiplient sur plusieurs sites. Le ministre provincial des Infrastructures, Alain Tshilungu, a reconnu la lenteur d’exécution et a exigé un calendrier précis de chaque entreprise. La Première ministre Judith Suminwa, en visite à Kinshasa, a exhorté le gouvernement provincial à respecter les délais. Mais les obstacles sont nombreux : pluies prolongées, lenteurs administratives, tensions avec certains prestataires. Dans les quartiers concernés, les habitants dénoncent les désagréments quotidiens causés par les chantiers à ciel ouvert. En l’absence d’un système d’entretien efficace, beaucoup redoutent que les nouvelles routes se dégradent aussi vite qu’elles sont livrées. Le manque de communication officielle sur les échéances et les budgets entretient une méfiance grandissante. Pour convaincre, Daniel Bumba devra transformer ses ambitions en ouvrages durables, visibles et entretenus.
Sécurité : une lutte contre les “Kuluna” aux résultats mitigés
Daniel Bumba a fait de la sécurité l’un des piliers de son action provinciale, avec un accent particulier sur le phénomène des « Kuluna », ces gangs urbains qui sèment la terreur dans plusieurs communes. Dès ses premières semaines de gouvernance, il a renforcé les patrouilles policières et ordonné la création d’une unité spéciale pour contrer ces bandes violentes. Cette stratégie a culminé avec le lancement des opérations « Zéro Kuluna » et « Ndobo » à partir de décembre 2024. Ces campagnes ont ciblé les zones sensibles et se sont appuyées sur des bouclages nocturnes, notamment dans les communes de N’djili, Selembao ou encore Ngaliema, où les habitants réclamaient des actions concrètes face à la recrudescence des agressions.
L’opération spéciale menée durant les fêtes de fin d’année 2024-2025 a marqué un tournant. Plus de 450 présumés Kuluna ont été arrêtés entre le 31 décembre et le 1er janvier, puis transférés devant les tribunaux militaires de garnison. Dès le 8 janvier, des audiences foraines ont été organisées dans plusieurs sites, traduisant la volonté de juger rapidement ces jeunes délinquants. En parallèle, les autorités provinciales ont repris les patrouilles de nuit et intensifié les contrôles dans les coins réputés dangereux. Cette stratégie de répression a permis une amélioration temporaire du climat sécuritaire, particulièrement dans des communes comme la Gombe ou Masina. Toutefois, elle a aussi suscité des inquiétudes sur le respect des droits des détenus et la légitimité de certaines arrestations.
Malgré cette réponse musclée, les critiques ne manquent pas. Aucun programme concret de réinsertion sociale n’a été mis en place par le gouvernement provincial, malgré des déclarations initiales du gouverneur. De nombreuses voix s’élèvent pour souligner que la répression seule ne suffit pas à éradiquer un phénomène profondément enraciné dans la pauvreté, le chômage et l’exclusion sociale. Le mouvement Lucha a dénoncé le recours à la peine de mort et l’absence de garanties judiciaires. Par ailleurs, aucune campagne éducative ni initiative communautaire de prévention n’a été lancée par la province. En l’absence d’une stratégie intégrée mêlant répression, réinsertion et sensibilisation, l’impact des opérations anti-Kuluna, aussi spectaculaires soient-elles, risque de rester éphémère.
Assainissement : une ambition freinée par des lacunes structurelles
Le gouvernement provincial de Kinshasa a fait de l’assainissement une priorité. Le 10 août 2024, il a officiellement lancé l’opération « Coup de poing », une vaste campagne de salubrité publique censée durer 45 jours. Soutenue par le génie militaire et coordonnée avec l’Office des voiries et drainage (OVD), cette initiative a commencé dans la commune de la Gombe avec le curage des caniveaux et l’évacuation de milliers de tonnes de déchets. Lors de cette opération, le gouverneur a sollicité l’appui actif des bourgmestres des 24 communes de la capitale. D’après le média Actualité.cd, Bumba voulait inscrire cette opération dans une logique de discipline collective. Le site 7sur7.cd a, de son côté, relayé les attentes élevées d’une population lasse de vivre dans l’insalubrité chronique.
Parallèlement, le gouverneur s’est intéressé à la transformation des déchets plastiques. En novembre 2024, il a visité l’usine de recyclage Kintoko, aux côtés de la société française Suez, pour soutenir la valorisation des ordures ménagères. Selon le site Actualité.cd, Bumba a insisté sur la nécessité d’une meilleure rémunération des ramasseurs de déchets, souvent négligés dans les politiques publiques. Peu après, il a également apporté son soutien au groupe industriel Angel, qui opère dans le recyclage local, en promettant de renforcer les moyens logistiques de l’entreprise. Radio Okapi a souligné que cette démarche visait à multiplier par trois le volume de plastique recyclé chaque mois. Ces actions traduisent une volonté politique d’intégrer l’économie circulaire dans la gouvernance urbaine de Kinshasa.
Pourtant, malgré ces signaux encourageants, les résultats concrets restent limités. En décembre 2024, quatre mois après le lancement de l’opération « Coup de poing », le média Congoquotidien.com constatait que les tas d’ordures avaient refait surface dans plusieurs communes. L’absence de centres de tri, de décharges contrôlées et de mécanismes durables de collecte affaiblit l’impact de chaque initiative. D’après une enquête d’Actualité.cd publiée en avril 2025, le gouverneur Daniel Bumba reconnaît lui-même que des lacunes structurelles entravent l’efficacité des efforts engagés. Le manque de coordination entre services provinciaux et municipalités, conjugué à une faible sensibilisation des citoyens, freine la mise en œuvre d’une politique d’assainissement cohérente et continue. Kinshasa reste confrontée à un défi colossal : transformer une ambition en changement durable.
Développement économique : des projets ambitieux mais flous
Le programme « Kin Ezo Bonga », présenté par le gouverneur Daniel Bumba en août 2024 comme la nouvelle boussole du développement provincial, s’appuie fortement sur le projet d’extension de Kinshasa vers Maluku. D’après Thierry Katembwe Mbala, coordonnateur du Comité stratégique pour la supervision du projet d’extension de la Ville de Kinshasa (CSSPEVK), cette future zone urbaine et industrielle s’étendra sur 486 km² et devrait générer 10 000 emplois directs dans sa phase initiale. Plusieurs missions ont été dépêchées sur le terrain depuis novembre 2024, en partenariat avec China State Construction Engineering Corporation, pour mener des études topographiques et initier les premiers dégagements. Pourtant, en mai 2025, aucun chantier majeur n’a encore démarré, ce qui alimente les doutes sur la faisabilité réelle de ce projet, pourtant présenté comme le socle du renouveau économique kinois.
Dans une dynamique parallèle, l’administration provinciale a lancé des projets de modernisation des marchés, notamment autour du marché central de Kinshasa. Le 7 novembre 2024, Daniel Bumba annonçait, depuis l’avenue Rwakadingi, la réhabilitation de cinq axes stratégiques : Rwakadingi, Marché, Marais, Plateau et École, dans le but de désenclaver cette zone commerciale névralgique. Les travaux, confiés à l’entreprise SAFRIMEX, visent à fluidifier l’accès au marché modernisé. Malgré cette ambition, le manque de transparence dans la passation des marchés publics inquiète. Des commerçants et entrepreneurs, interrogés par Heshima Magazine, se plaignent de ne pas être suffisamment associés aux appels d’offres et dénoncent une gestion opaque des ressources allouées, ce qui freine l’adhésion du secteur privé local au projet global.
Le programme quinquennal « Kin Ezo Bonga » est structuré autour de onze axes prioritaires, allant de l’assainissement à la sécurité, en passant par l’emploi, la mobilité ou encore la planification urbaine. Selon le gouverneur Bumba, ce programme dispose d’un budget prévisionnel de 11 milliards de dollars pour la période 2024-2028, financé par des partenariats publics-privés et l’appui d’organismes internationaux. Cependant, comme l’ont relevé plusieurs analystes, l’absence de calendrier détaillé, de rapports périodiques et d’indicateurs de performance rend difficile le suivi des avancées réelles. Dans la population, l’impatience grandit : les Kinois espèrent des résultats concrets au-delà des annonces. Car sans changements visibles, la crédibilité du gouverneur pourrait vite s’effriter.
Services sociaux : santé et éducation en attente de réformes
En matière de santé, un plan d’action a été élaboré en partenariat avec l’agence belge Enabel pour améliorer les infrastructures sanitaires. Cependant, à ce jour, aucun hôpital ou centre de santé n’a été inauguré sous son mandat. Les Kinois continuent de déplorer la vétusté des structures existantes, comme l’a souligné Radio Okapi dans un reportage récent. Cette situation met en lumière le décalage entre les annonces officielles et la réalité sur le terrain, alimentant le scepticisme de la population quant à la capacité de l’administration à concrétiser ses promesses.
Dans le domaine de l’éducation, les engagements pris par le gouverneur Bumba, tels que la construction de nouvelles salles de classe et la distribution de matériel scolaire, peinent également à se matérialiser. Les enseignants et les parents expriment leur frustration face à des conditions d’apprentissage souvent indignes, soulignant le manque de ressources et d’infrastructures adéquates. Le site Actualité.cd a rapporté que, malgré les annonces, peu de progrès tangibles ont été réalisés, laissant les écoles dans un état de délabrement avancé. Cette situation compromet la qualité de l’enseignement et l’avenir des jeunes Kinois, qui sont les premières victimes de ces carences.
Face à ces défis, l’administration provinciale est appelée à intensifier ses efforts pour traduire ses ambitions en actions concrètes. La mise en œuvre effective des projets annoncés, accompagnée d’une communication transparente sur l’état d’avancement des travaux, est essentielle pour restaurer la confiance des citoyens. Les partenaires internationaux, tels qu’Enabel, attendent également des résultats probants pour poursuivre leur soutien. Il est impératif que le gouverneur Bumba et son équipe adoptent une approche plus proactive et inclusive pour répondre aux besoins urgents de la population en matière de santé et d’éducation.
Contrats signés : un manque de transparence ?
Daniel Bumba a multiplié la signature de contrats censés soutenir ses projets en matière d’infrastructures, d’assainissement et de logement. En août 2024, il a ainsi annoncé un ambitieux plan d’investissement de 2,7 milliards de dollars sur cinq ans pour la modernisation de Kinshasa, dans le cadre du programme « Kinshasa Ezo Bonga », un projet présenté officiellement lors d’une conférence de presse relayée par Actualité.cd. Ce programme prévoit notamment la construction de logements sociaux et de nouvelles voiries. Mais sur le terrain, peu de détails ont filtré sur les contrats eux-mêmes, sur les entreprises attributaires ou encore sur les modalités de financement. Cette opacité nourrit une méfiance croissante au sein de la population et d’une partie de la société civile, qui réclame plus de transparence.
Le cas du contrat de collecte des déchets avec l’entreprise turque Albayrak illustre bien ce manque de clarté. Conclu en 2022 sous l’ancien gouverneur Gentiny Ngobila, l’accord imposait à la ville de verser entre 500 000 et 1 million de dollars par mois, selon une enquête menée par le journal AfricaNews. En août 2024, Daniel Bumba a décidé de résilier ce contrat, le qualifiant de « léonin » et dénonçant l’utilisation d’équipements achetés par la ville sans retour sur investissement suffisant. Si cette décision a été saluée par certains comme un acte de rupture, elle a également mis en lumière l’absence d’un nouveau cadre clair pour la gestion des déchets. Depuis, aucun appel d’offres public ou partenariat structuré n’a été rendu public, laissant planer des doutes sur les orientations futures.
Dans le secteur de la santé, le protocole d’accord signé en janvier 2025 avec l’entreprise marocaine TGCC prévoit la construction d’un hôpital moderne à Maluku, avec une capacité de plus de 100 lits. Ce projet a été dévoilé à la presse lors d’une cérémonie officielle, selon les précisions d’Actu30.cd, qui a suivi les étapes de cette collaboration. Bien qu’il s’inscrive dans le programme de développement de la zone Est de Kinshasa, aucune information n’a été fournie sur le budget alloué, les sources de financement ou les délais d’exécution. Par ailleurs, certains observateurs s’interrogent sur la répartition des responsabilités entre les parties prenantes. Dans un contexte marqué par de fortes attentes, cette absence de communication renforce les soupçons de favoritisme et de gestion peu rigoureuse des deniers publics.
Kinshasa face à ses défis urbains majeurs
Gouverner Kinshasa, une ville en pleine expansion démographique, représente un défi colossal. La croissance urbaine rapide, conjuguée aux effets du changement climatique, impose la mise en œuvre de solutions innovantes et durables. Le Centre de Recherche en Ressources en Eau du Bassin du Congo alerte sur l’exacerbation des inondations due à une urbanisation informelle accélérée et à des infrastructures insuffisantes, soulignant la nécessité d’investissements massifs dans des systèmes de drainage performants et un plan d’urbanisme rigoureux.
Les embouteillages, quant à eux, réclament une réforme profonde du système de transport urbain. Des études publiées par l’Institut Africain des Politiques Urbaines insistent sur le fait que le recours majoritaire aux minibus et taxis traditionnels, dépassés par l’essor démographique, freine la mobilité et nuit à l’activité économique. Il devient urgent de développer un réseau de transport public moderne et efficace.
Enfin, la question de l’insalubrité demeure critique. Selon un rapport de l’Agence Congolaise de l’Environnement, la gestion des déchets solides est insuffisante, avec une collecte partielle et l’absence de centres de traitement ou de recyclage adaptés. La pollution engendrée impacte négativement la santé publique. Le gouvernement provincial doit impérativement renforcer les infrastructures de traitement des déchets et lancer des campagnes de sensibilisation citoyenne pour assurer la pérennité des résultats.
Bilan d’un an de gouvernance : ambitions affichées, résultats attendus
La première année de Daniel Bumba à la tête de Kinshasa révèle une ambition réelle, comme le souligne Jeune Afrique dans sa publication d’avril 2025, mais cette volonté se heurte à des obstacles majeurs. Les chantiers routiers, les opérations sécuritaires et les efforts d’assainissement, rapportés par Radio Okapi, témoignent d’une volonté de changement, mais leur impact demeure limité en raison de retards, de contraintes financières évoquées par le Ministère provincial des Finances, et d’un manque de transparence relevé par des observateurs locaux. Par ailleurs, les inondations et les démolitions, analysées par la presse congolaise en février 2025, ont mis en lumière des tensions entre impératifs sécuritaires et considérations sociales. Enfin, les secteurs essentiels de la santé et de l’éducation, décrits par l’ONG Enabel dans son dernier rapport, attendent toujours des réformes concrètes. Pour transformer Kinshasa, Daniel Bumba devra non seulement achever les projets en cours, mais aussi restaurer la confiance d’une population devenue exigeante, comme le résume un habitant de Ngaliema interrogé par Heshima Magazine : « Nous voulons des actions, pas seulement des paroles. Kinshasa mérite une vraie transformation. C’est la vitrine de la RDC.»
Heshima Magazine
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