Etats généraux des sports en RDC : quel diagnostic poser ?
Les délégués des différentes fédérations s’apprêtent à se rendre à Kisantu, au Kongo Central, en août 2022, où se tiendront les états généraux des sports voulus par le Président Tshisekedi. Quelle politique sportive faudra-t-il au pays pour faire émerger ses disciplines ?
Après les derniers revers subis par les Léopards football A contre le Gabon et le Soudan dans le cadre des éliminatoires de la coupe d’Afrique Côte d’Ivoire 2023, le Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi avait appelé à l’organisation des états généraux des sports dans « les meilleurs délais ». Depuis le 22 juillet dernier, le ministre des Sports et Loisirs, Serge Nkonde Chembo a pris un arrêté pour annoncer le nombre des délégués qui prendront part à ces assises. Elles se dérouleront du 20 au 31 août à Kisantu, dans le Kongo central.
« Cet arrêté reprend les motivations de la convocation des états généraux, il fixe [le nombre des participants] à 120. Ici, il faut que je précise que sur les 120 membres, il y aura 52 qui viendront de l’intérieur. Tous les ministres provinciaux en charge des sports et tous les chefs de division provinciaux en charge des sports et loisirs, ça fait 26 provinces, fois deux, ça fait 52 délégués. », a détaillé le secrétaire général aux Sports, Barthélémy Okito.
Ce dernier fait remarquer qu’il y aura les délégués des fédérations sportives, les groupements sportifs particuliers, les délégués des députés et sénateurs, de la Présidence de la République et Primature, ceux du Conseil supérieur de la magistrature, les délégués des ministères comme EPST, ESU, ITPR, Finances, Budget et Jeunesse. Les délégués du Comité olympique congolais et les paralympiques seront de la partie.
A Kisantu pour quel diagnostic ?
Le sport congolais est malade. Il souffre de plusieurs maux. Et ces maux sont de divers ordres. Mauvaise organisation dans les différentes fédérations sportives, manque d’infrastructures adéquates, faible financement et absence de politique de relève. Alors quel diagnostic posé à Kisantu ? C’est la grande question qui taraude les esprits étant donné que les résolutions des derniers états généraux organisés en 2008 n’ont pas été complètement mises en pratique. A ce jour, aucune discipline sportive en République démocratique du Congo n’est en bonne santé. Le football, l’unique secteur sur lequel l’on s’accrochait, bat désormais de l’aile depuis 2017, année de l’arrêt de la progression de l’équipe nationale A. Au niveau des autres sélections, les choses ne marchent guerre. Aucune politique n’existe pour les sélections d’âge. Quant aux clubs, le championnat national a carrément subi un raté cette saison. Et cela, malgré l’annonce – sans succès – de sa reprise.
A la FECOFA, ça ne tourne pas
Au niveau de la Fédération congolaise de football association (FECOFA), c’est la guerre des mots entre l’ancien président Constant Omari et son ancien vice-président, devenu depuis président intérimaire, Donatien Tshimanga. Lors de sa première sortie médiatique après avoir purgé sa suspension d’une année, Constant Omari a mis en cause la gestion actuelle de l’instance faîtière du football. « De tout ce que j’ai bâti, il n’y a plus rien en moins d’une année… », a-t-ilregretté. Et la réplique de Donatien Tshimanga ne s’est pas fait attendre. Ce dernier a – sans langue de bois – déclaréqu’Omari a géré la FECOFA pendant 18 ans comme sa boutique. Aussi a-t-il fait comprendre que l’ancien responsable de l’organe faitier du foot congolais s’est approprié le fonds de la FIFA destiné à la gestion de la période Covid-19.
Constant Omari n’a pas laissé passer cette accusation de son ancien collaborateur. Il a rejeté en bloc ces griefs de Tshimanga. A propos de fonds de la FIFA, Constant Omari a argué que cette institution du football mondial diligente toujours un audit pour justifier l’utilisation de ses fonds octroyés aux associations nationales. Un échange qui prouve combien la gestion du football au Congo est catastrophique. Aujourd’hui, au niveau du football d’âge qui devait assurer la relève, rien n’est fait du côté du gouvernement, encore moins au niveau de la fédération à qui la FIFA avait remis le financement de mettre sur pied un centre national d’encadrement de football. Mais ce centre, Nkurara Mpova, situé dans la périphérie est de la ville de Kinshasa, reste de l’ombre lui-même.
La boxe en mode solo…
Dans la boxe, c’est le self made man qui règne. Des individus se distinguent par eux-mêmes, sans l’apport de la fédération congolaise de boxe encore moins du gouvernement de la République. Le champion du monde des lourds-légers en WBC, Junior Ilunga Makabu est arrivé à ce niveau par lui-même, avant que le gouvernement récupère son succès. Alors que son jeune frère, Martin Bakole Makabu, devrait affronter le célèbre franco-congolais, Tony Yoka, dans la catégorie des lourds, il n’a eu aucun soutien du pays jusqu’à le demander expressément sur les réseaux sociaux. Même après son éclatante victoire, il ne l’a pas vu venir. « Martin Bakole n’a reçu aucun soutien du gouvernement congolais malgré sa victoire écrasante sur le français Tony Yoka », avait décrié son staff. Des boxeurs au pays souffrent du même manque de financement. Et même d’une politique claire de cette discipline noble. Ils sont obligés de se démener seuls…
Le cyclisme pâlit…
Alors que l’ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyoavait tenté de relever le niveau du cyclisme en finançant, via son gouvernement, des éditions du tour cycliste, cette discipline pâlit depuis son départ de l’exécutif congolais. Pourtant, ce dynamisme avait aidé la RDC à se classer parmi les dix pays du cyclisme en Afrique. Aujourd’hui la 9èmeédition du Tour cycliste de la RDC peine à être organisée.
Les arts martiaux délaissés…
Le judo, le taekwondo, le karaté, la lutte et d’autres disciplines de contact peinent à être structurés. Des athlètes se débrouillent comme ils peuvent sans un soutien structuré et pérenne de la part de l’Etat. Et pendant que le monde vibre au rythme des arts martiaux modernes avec notamment le MMA, le pays est aux abonnés absents. Les arts martiaux modernes sont l’une des disciplines les moins développées en République démocratique du Congo. Il en est de même de l’athlétisme où le pays dépend des individualités venues de la diaspora congolaise.
Pas de politique sportive…
Pour mieux redresser le sport, il faut au pays une politique sportive lisible. Ce qui n’existe quasiment pas en République démocratique du Congo. Le pays rencontre des sérieux problèmes dans l’encadrement des disciplines sportives. Et cet encadrement devrait exister aussi au niveau des écoles. D’où la question sportive ne devait pas être l’apanage du seul ministère des Sports et Loisirs. Le ministère de l’éducation, l’EPST, devrait être fortement impliqué si le sport doit se relever un jour dans le pays.
Sous d’autres cieux, en France par exemple, le ministère de l’éducation nationale est parfois le premier contributeur dans la politique sportive au sein de l’État. En France, c’est avec 5,5 milliards d’euros (en moyenne) depuis 2014 que ce ministère contribue au sport du pays. Et cela, loin devant le ministère des Sports lui-même qui finance à hauteur de 800 millions d’euros. Cela permet au pays d’organiser le sport depuis le bas âge au niveau des écoles et avoir plus tard des professionnels du sport. Une politique qui s’accompagne des infrastructures sportives. A Kinshasa, par exemple, le terrain de football qui a vu Dieumerci Mbokani évoluer à Delvaux a été fermé. Ce qui veut dire qu’il n’y aura plus des futurs Mbokani dans ce coin de la capitale, faute d’infrastructures propices à l’éclosion de ce genre de talents. Un aspect que les congressistes de Kisantune devraient pas oublier dans leurs résolutions.
L’Etat congolais doit comprendre que le sport n’est plus cet exercice de santé isolé. Aujourd’hui, la pratique professionnelle du sport est devenue un symbole de puissance. Il s’agit sans doute de la manifestation la plus évidente du pouvoir politique dans le sport. Des États, quelle que soit leur taille, se servent de leurs succès sportifs pour se montrer plus forts que les autres. Le gouvernement congolais devrait intégrer cette donne dans sa politique sportive, s’il en aura demain.
Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo (RDC), a été scindée en deux pendant deux jours après les inondations causées par les pluies diluviennes des 4 et 5 avril 2025. Une catastrophe qui a révélé les lacunes de la gouvernance dans cette mégalopole de 17 millions d’habitants. Pourtant, l’organe en charge de la météo du pays annonce que le pire n’est pas encore passé et appelle les gouvernements à prendre des mesures pour délocaliser ceux qui ont construit le long des rivières.
Kinshasa déplore les pertes humaines causées par ces pluies diluviennes. Le premier jour (vendredi), 23 personnes ont perdu la vie, 46 ont été hospitalisées et plusieurs maisons sont emportées dans les communes de Mont-Ngafula, Ngaliema et Barumbu, rapporte le vice-Premier ministre, ministre de l’Intérieur, Jacquemain Shabani, dans un communiqué rendu public le 6 avril dernier à la télévision nationale (RTNC). La situation s’est aggravée le 5 avril, avec 10 décès supplémentaires et plus de 200 ménages inondés dans les communes de Limete, Matete et Masina. Ce qui ramène le bilan provisoire à 33 morts.
Bemba propose des solutions onéreuses
Alors que la ville est scindée en deux, entre l’Est et l’Ouest, les voyageurs se rendant à l’aéroport international de N’djili se sont retrouvés pris au piège, coincés entre la crue de la rivière N’djili et les embouteillages qui ont suivi. Ceux qui devaient retourner dans leurs résidences dans l’autre partie du district de la Tshangu ont dormi à la belle étoile. D’autres ont passé la nuit dans des stations-service. Pour ceux qui devaient gagner l’aéroport pour des voyages, le ministère des Transports, des Voies de Communication et du Désenclavement a annoncé des mesures exceptionnelles afin d’assurer la continuité des déplacements. Ces mesures étaient la mise à flot des bateaux et hors-bords de l’Office national des transports (ONATRA) pour permettre à ces personnes d’atteindre en partant du Beach Ngobila (dans l’Ouest de la ville) vers Safari Beach ou le port de Kinkole (dans l’Est de la capitale). À leur grande surprise, les voyageurs ont découvert que les tarifs pour ce transport fluvial variaient entre 100 et 150 dollars. Ce qui a été perçu comme un plan de secours assez lucratif pour des personnes censées être considérées comme des sinistrés.
Dans la foulée de ces mesures, des Congolais ont également constaté que certains hors-bords tombaient régulièrement en panne. Le canot utilisé par le gouverneur de la ville de Kinshasa, Daniel Bumba, est tombé en panne, obligeant des riverains à descendre dans l’eau pour escorter l’épave et éviter qu’elle ne s’échoue à cause de la force des courants.
Une gouvernance décriée !
Si certains peuvent ranger ces faits dans l’ordre naturel des choses en évoquant une catastrophe naturelle, la main de l’homme congolais y est pour beaucoup dans ces désastres. Depuis 1960, soixante-cinq ans après l’indépendance, Kinshasa n’a qu’une seule voie pour se rendre à l’aéroport international de N’djili. Entre-temps, l’on a connu « Objectif 80 », « Plan Mobutu », « 5 Chantiers », la « Révolution de la modernité », « 100 jours », « Tshilejelu », « Kin Bopeto », « Kinshasa ezo bonga » sans jamais développer la ville de Kinshasa ou encore moins les autres villes du pays. En 2015, l’ancien Premier ministre Adolphe Muzito alertait déjà dans une tribune sur des catastrophes majeures à Kinshasa à l’horizon 2025 si la gouvernance de la ville n’avait pas changé. Pourtant, rien de consistant n’a été fait depuis. La plupart des lits de rivières sont devenus des résidences privées, y compris des chemins de fer à Kinshasa. Certains habitants brandissent des titres délivrés par le ministère des Affaires foncières ou celui de l’Habitat. Ce qui démontre la complicité des agents de l’Etat dans les constructions anarchiques qui poussent à Kinshasa.
Le gouverneur de la ville de Kinshasa a accusé la population de construire de manière anarchique sur le lit de la rivière N’djili, oubliant que ces occupations des zones non aedificandi ont été favorisées par l’Etat congolais lui-même. Une faillite qui perdure depuis hier et se poursuit aujourd’hui. La baie de Ngaliema, déclarée zone non aedificandi depuis l’époque coloniale, a été envahie par des constructions, principalement érigées par des dignitaires des régimes actuels et passés. Ce qui renforce la montée des eaux du fleuve Congo.
Le pire est à craindre
Pendant que le gouvernement trouve des demi-mesures pour tenter de soulager des sinistrés, l’Agence nationale de météorologie et de télédétection par satellite (METTELSAT) estime que « le pire n’est pas encore passé » et appelle les autorités compétentes à prendre des dispositions nécessaires pour les populations résidant autour des différentes rivières. Des fortes pluies s’annoncent encore pour Kinshasa et Brazzaville. Ce qui risque de renforcer le chaos observé actuellement après l’épisode de vendredi et samedi derniers. En attendant, les sinistrés des ménages engloutis seront logés dans les installations du stade Tata Raphaël, utilisé pour les Jeux de la Francophonie en juillet-août 2023.
Dans une série d’ordonnances signées le 28 mars et rendues publiques le 2 avril 2025, le président de la République Démocratique du Congo (RDC), Félix Tshisekedi, a procédé à la nomination des commissaires provinciaux de la police, mais aussi d’autres responsables de ce service. Une décision qui intervient après des changements opérés fin 2024 au sein des Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC).
En quête d’efficacité dans le domaine sécuritaire, le chef de l’État ne cesse d’opérer des changements dans son appareil de sécurité. Des nominations et des changements ont été opérés au sein des commissariats provinciaux, mais aussi dans d’autres services de la police. Le commissaire divisionnaire Israël Kantu Bankulu a été nommé commandant de la Police nationale congolaise (PNC) à Kinshasa. Il remplace à ce poste le commissaire divisionnaire adjoint Blaise Kilimbalimba, désormais affecté comme commandant de la police dans la province du Haut-Katanga. Dans la province cuprifère, Kilimbalimba succède à Dieudonné Odimba, qui a été nommé à une autre fonction au sein de la police.
L’ancien patron de la police de Kinshasa, Sylvano Kasongo Kitenge, affecté au Kasaï, prend la direction de la province du Bas-Uélé. Il est remplacé au Kasaï par Henry Kapend. Le commissaire Cariel Kisak, quant à lui, prend la tête de l’Equateur alors que Roger Isiyo Itenasinga dirigera désormais le Haut-Uélé. Dans le Haut-Lomami, Félix Tshisekedi nomme François Kabeya. Le commissaire Sébastien Ebwa va poser ses valises en Ituri, une province en proie à l’insécurité suite à l’activisme des groupes armés locaux et étrangers. Le commissaire Elvis Palanga conduira la police au Kasaï Central pendant que André Mbombo est casé au Kasaï Oriental. Joseph Alimasi remplace Israël Kantu Bankulu au Kongo Central, Narcisse Muteb va au Kwango, Angel Yangbonga dans le Kwilu, Thadée Nzala dans la Lomami, Albert Amisi au Lualaba, Padhes Murhula dans le Maï Ndombe, Léon Basa dans le Maniema, Christian Nkongolo dans le Nord-Ubangi, Job Alisa au Sankuru, Wasongolua Ngana, dans le Sud-Ubangi, John Kabwine, dans le Tanganyika, Kabeya Magnat à la Tshopo et Jean Yav à la Tshuapa. Quant à Francis Lukesu, il est affecté dans la province de la Mongala.
Malgré l’occupation des provinces du Nord et du Sud-Kivu par l’armée rwandaise et les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23), Félix Tshisekedi a aussi nommé des commissaires provinciaux dans ces deux entités. Dieudonné Makambo va prendre possession du Nord-Kivu, principalement à Beni, une zone non occupée par les rebelles. Au Sud-Kivu, Flore Mandembe va travailler à Uvira, une zone où l’administration légale est toujours en place, malgré les tensions à Bukavu.
Des changements dans d’autres unités
D’autres services de la Police nationale congolaise connaissent aussi de nouveaux responsables. Félix Tshisekedi a nommé le commissaire Ngoy Sengolakio au poste de Commandant de l’Unité de protection des hautes personnalités (UPHP). Le commissaire divisionnaire Elias Tshibangu Tumbila a été nommé Inspecteur général adjoint de la PNC, chargé de l’appui et de la gestion au sein du Commandement de l’Inspection générale. Le commissaire divisionnaire Isaac Bertin Balekukayi Mwakadi est nommé commissaire général adjoint chargé de la Police judiciaire au sein du Commandement du commissariat général de la PNC. Par ailleurs, Jean-Félix Safari prend la tête de la Légion nationale d’intervention (LENI). La hiérarchie de la police a été préservée et est dirigée depuis 2023 par le commissaire divisionnaire principal, Benjamin Alongaboni. Ce dernier avait remplacé Dieudonné Amuli, mis à la retraite.
Des changements notables dans l’armée
Si au sein de la police, la hiérarchie n’a pas été bougée dans les nominations intervenues le 2 avril 2025, l’armée, de son côté, avait été aménagée de fond en comble, en décembre 2024. Chef d’état-major général depuis deux ans, le général d’armée Christian Tshiwewe Songesha a quitté ses fonctions, laissant un bilan mitigé principalement à cause de la progression du M23 appuyé par le Rwanda. Il est depuis remplacé par le lieutenant-général, Jules Banza Mwilambwe.
Le général Tshiwewe est devenu conseiller militaire du chef de l’État. Sous le président Joseph Kabila – alors qu’il n’était que général de brigade et commandant adjoint de la Garde républicaine – Christian Tshiwewe avait rapidement monté en grade sous Félix Tshisekedi, qui lui avait fait pleinement confiance. Il est passé de général de brigade à général-major. À ce grade, il avait pris la tête de la Garde républicaine dirigée à l’époque par le général Gaston Hugues Ilunga Kampete. Il passera rapidement de général-major à lieutenant-général et deviendra ainsi le numéro un de l’armée, avant de monter encore en grade devenant ainsi général d’armée.
Dans l’armée comme au sein de la police, l’efficacité reste encore à atteindre. Le commandant suprême de ces forces continue à multiplier des efforts pour y arriver. Les salaires des militaires ont été doublés fin mars, y compris pour les policiers. Mais la discipline et la formation pèchent encore.
Depuis la fin de la présidentielle de 2006 remportée par Joseph Kabila face à son principal challenger Jean-Pierre Bemba, un climat de méfiance s’était installé entre les deux hommes. Ce qui avait conduit à des affrontements en plein Kinshasa entre l’armée et la garde rapprochée de celui qui fut un des vice-présidents de la République démocratique du Congo (RDC). Heshima Magazine revient sur les origines d’un conflit qui semble persister à ce jour.
À 62 ans, Jean-Pierre Bemba semble avoir tout connu : l’enfance d’un fils à papa, l’exil, la rébellion, la vice-présidence, la passion d’une campagne électorale en tant que challenger principal du président sortant, la prison à La Haye, puis le retour aux affaires sous Félix Tshisekedi. Après le conflit sanglant que certains spécialistes ont qualifié de « première guerre mondiale africaine » entre 1998 et 2002, Jean-Pierre Bemba se révèle comme une pièce maîtresse des accords de paix de Sun-City, qui ont mis fin à cette guerre en RDC. Un accord qui a marqué le retour à la démocratie. Le chef du Mouvement de libération du Congo (MLC) occupe à ce titre l’un des quatre postes de vice-présidents, en charge de l’économie et des finances.
Très vite, il s’impose comme le principal rival du jeune président Joseph Kabila, âgé seulement de 35 ans et qui a succédé à son père assassiné début 2001. Les deux hommes se retrouvent au second tour de l’élection présidentielle de 2006, la première élection démocratique du pays depuis l’indépendance en 1960, bien que d’autres scrutins aient eu lieu auparavant dans un cadre plus controversé. Au terme d’une campagne tendue au cours de laquelle Bemba n’a eu de cesse de mettre l’accent sur sa « congolité » face aux origines prétendument douteuses de son adversaire, c’est finalement Joseph Kabila qui l’emporte avec 58 % des suffrages.
Des résultats contestés par le MLC
Bemba conteste les résultats, avant finalement d’accepter de mener une opposition « républicaine ». Il sera élu sénateur en janvier 2007. Le gouvernement de Kabila lui demandera alors de se libérer de sa garde rapprochée composée essentiellement de ses éléments issus de la rébellion. Bemba le percevra comme une menace à sa sécurité, les deux hommes ne se faisant plus confiance l’un et l’autre. Un ultimatum sera alors donné par l’armée pour le 15 mars 2007. Mais la garde du chairman du MLC n’a pas bougé d’un seul iota. Le 22 mars, un assaut finira par être lancé contre la résidence de Bemba et ses bureaux se trouvant sur le Boulevard du 30 Juin, à Kinshasa. Bilan : au moins 200 morts, civils et militaires compris. Bemba va finalement se retrancher à l’ambassade d’Afrique du Sud, avant de s’envoler plus tard pour le Portugal.
Kabila a-t-il manigancé l’arrestation de Bemba ?
En mai 2008, alors qu’il était dans sa résidence de Rhode-Saint-Genèse à Bruxelles, Jean-Pierre Bemba est arrêté puis transféré à la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye, aux Pays-Bas. Il est poursuivi pour « crimes contre l’humanité et crimes de guerre » commis par des hommes qu’il commandait en République centrafricaine, voisine de la RDC, en 2002 et 2003. Mais la main noire de Joseph Kabila plane. Certains opposants l’accusent de vouloir se débarrasser d’un adversaire gênant. Ce dernier et François Bozizé, ayant chacun un rival commun – Bemba pour Kabila et Ange Félix Patassé pour Bozizé –, auraient ainsi renforcé leur rapprochement. Certains analystes estiment que le dossier de l’arrestation de Jean-Pierre Bemba aurait été motivé par ces deux chefs d’État.
Patassé, le témoin manquant…
En avril 2011, l’ancien président centrafricain Ange Félix Patassé décède en exil au Cameroun. Il était et restera le grand absent du procès de Jean-Pierre Bemba devant la CPI. En RDC, une partie de l’opinion congolaise ne comprenait pas comment Bemba affrontait seul ce dossier, sans qu’Ange Félix Patassé, à qui il prêtait main-forte contre la rébellion de Bozizé, n’ait été convoqué par cette juridiction internationale. Pourtant, les troupes de Bemba étaient parties défendre Ange-Félix Patassé d’un coup d’État. Cette question hantera le procès de Bemba au point de faire réagir un fonctionnaire de la CPI.
« Évidemment, nous continuons nos enquêtes en République centrafricaine. Nous ne nous arrêterons pas là », avait réagi Pascal Turlan, conseiller en coopération pour le procureur de la CPI. Mais jusqu’à l’acquittement de Bemba en 2018, la CPI n’avait presque plus fait allusion à cet aspect de l’enquête.
Un acquittement au goût de revanche contre Kabila
Le 8 juin 2018, la Chambre d’appel a décidé, à la majorité, d’acquitter Jean-Pierre Bemba Gombo des charges de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Bemba va alors quitter ses co-pensionnaires de taille tels que l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo. Contrairement à ce qui est parfois mentionné, Charles Taylor n’était pas détenu à la CPI, mais à La Haye sous mandat du Tribunal spécial pour la Sierra Leone.
Pressé par le temps, il tente de prendre sa revanche en briguant la présidentielle de décembre 2018. Mais « Baïmoto » rencontre encore un nouveau blocage : sa candidature est rejetée par la CENI alors dirigée par l’actuel rebelle, Corneille Nangaa. Pour Bemba, c’est une preuve supplémentaire que l’on s’acharne contre lui. Il apporte alors son soutien à la candidature commune de l’opposition incarnée par Martin Fayulu.
Allié indéfectible de Tshisekedi
Après la présidentielle, c’est Félix Tshisekedi qui est proclamé vainqueur. Bemba reste dans l’opposition, avant d’intégrer finalement l’Union sacrée de la Nation après les concertations nationales ayant mené à la rupture de la coalition entre Félix Tshisekedi et Joseph Kabila. Au sein de cette alliance, il occupera les postes de vice-Premier ministre, ministre de la Défense nationale puis celui des Transports. C’est depuis cette position qu’il enverra plus de coups à Joseph Kabila, soupçonné d’être derrière la rébellion de l’Alliance Fleuve Congo (AFC) de Corneille Nangaa, alliée au M23.
Le 5 mars 2025, Jean-Pierre Bemba a accusé l’ancien président d’être l’instigateur des rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, ainsi que ceux de l’AFC. En plus de soutenir l’AFC/M23, Bemba dit détenir des preuves selon lesquelles Joseph Kabila est également derrière les miliciens Mobondo, actifs dans les provinces du Maï-Ndombe, du Kwilu, du Kwango, du Kongo Central et dans une partie de Kinshasa. Dans la foulée d’un autre meeting, Bemba a encore remis en cause la nationalité congolaise de Joseph Kabila, réveillant un vieux démon autour de la « congolité » du quatrième président de la RDC. Décidément, les rancœurs entre les deux personnalités sont loin de prendre fin.