Joe Biden pour une politique du temps d’Obama en Afrique
C’est avec une attention soutenue que les Africains ont suivi le déroulement de la présidentielle du 3 novembre aux Etats-Unis. Continent en quête de développement, l’Afrique a besoin des Etats-Unis et les signaux donnés par Joe Biden apportent une lueur d’espoir après les quatre années tumultueuses de Donald Trump pendant lesquelles tout était soit aboli ou mis en veilleuse.
A vec des relations stables entre le pays de l’Oncle Sam et l’Afrique, les Africains tireraient bénéfice dans plusieurs secteurs. Tout compte fait, le continent gagnerait étant donné que beaucoup de choses vont pouvoir changer ou ressusciter : les relations diplomatiques, la promotion des échanges commerciaux dans le cadre de l’AGOA, la collaboration dans la lutte contre le réchauffement climatique et dans la lutte contre le terrorisme, l’appui dans le cadre de la formation universitaire… C’est ce que Biden tient à faire et il avait déjà pris des dispositions pour cela.
Des hommes et des femmes pour la cause africaine
Au terme du mandat de Donald Trump, nombreux postes en rapport avec la diplomatie africaine étaient restés vacants. Concernant le département d’Etat, par exemple, aucun diplomate de haut rang n’avait été nommé aux affaires africaines avant juillet 2018 : Trump tenait l’Afrique pour quantité négligeable. Ce n’est pas le cas de Joe Biden. Les différentes personnalités d’origine africaine ou connaissant bien l’Afrique qu’il a nommées, témoignent de l’importance qu’il accorde au continent noir et cela donne espoir. L’un d’eux est Wally Adeyemo, un Américain d’origine nigériane de 39 ans qui a grandi en Californie du Sud, appelé à assumer la fonction de secrétaire adjoint au Trésor. Adeyemo a par le passé été conseiller principal de Barack Obama, en matière économique. Il devient le premier Afro-Américain nommé à cette haute fonction au sein de ce ministère souverain. Un autre, toujours de nationalité nigériane d’origine, est Osaremen Okolo, une dame de 26 ans, nommée conseillère dans l’équipe de riposte au coronavirus. Sur cette liste apparemment non exhaustive, il y a aussi Linas Thomas Greenfield, une Américaine de 69 ans qui devient ambassadeur à l’ONU, après avoir été autrefois sous-secrétaire d’Etat pour l’Afrique, et aussi ambassadrice à Monrovia. D’après Jeffrey Hawkins, Linas Thomas Greenfield devrait redonner un nouvel élan aux opérations humanitaires et de maintien de la paix, parce que Donald Trump dans sa méfiance vis-à-vis de l’ONU, cherchait à maintes reprises à couper les budgets alloués à ce secteur.
L’autre figure importante de l’entourage de Joe Biden, favorable à l’Afrique, est Samantha Power. Ex-ambassadrice à l’ONU, elle pilotera l’agence chargée de l’aide au développement (Usaid) avec un rôle renforcé. « Là encore, le contraste est saisissant avec la présidence de Trump. Ce dernier ayant tout fait pour réduire l’aide américaine, l’argent du contribuable devant servir, selon lui, d’abord aux Américains », commente Jeffrey Hawkins. Aux côtés de toutes ces personnalités, il y a le futur secrétaire d’Etat Anthony Blinken, qualifié de fin connaisseur de l’Afrique. Lui, n’a fait que critiquer la diplomatie de Donald Trump des dernières années. Le diplomate de carrière Dana L. Banks, nommé « senior director » pour l’Afrique au sein du Conseil de sécurité nationale (NSC), est aussi de la partie.
Relations Biden-chefs d’Etat africains
En quatre ans, Trump n’avait reçu que trois présidents africains, le Nigérian Muhammadu Buhari, le Kényan Uhuru Kenyatta et l’Egyptien Abdel Fattah al-Sissi. Le chef de l’Etat américain sortant a épuisé son mandat sans avoir été en Afrique et avait même qualifié, en 2018, les pays africains de shithole countries (pays de merde). L’arrivée de Biden au pouvoir peut être ainsi considérée comme la fin des relations tumultueuses. Le Camerounais Christopher Fomunyoh, directeur Afrique du National Democratic Institute de Washington pense qu’avec la politique que Joe Biden va mener en Afrique il y aura des changements significatifs. Avec Biden, indique-t-il, il y aura une remodulation de la politique américaine en Afrique. « Le monde entier s’attend à ce qu’il y ait une modification significative de la politique étrangère des Etats-Unis, parce que, pendant quatre ans, Trump a passé son temps à casser les alliances qui existaient entre les Etats-Unis et d’autres parties du monde, y compris l’Afrique.», explique-til. Il semble que Trump croyait que l’Afrique était un pays et que la Belgique était une « jolie ville ».
En effet, Joe Biden a promis d’organiser une rencontre avec les chefs d’Etat africains, à l’instar de ce qu’avait fait Barack Obama, en 2014. Son souci, tisser des liens directs avec ses homologues. L’historien Pap Ndiaye, spécialiste d’histoire sociale des EtatsUnis et des minorités, explique que le programme de Joe Biden s’inscrit avant tout « dans la continuité des relations construites par Barack Obama ». Il s’agit en premier lieu, poursuit-il, « de restaurer des relations normales en réaffirmant les engagements au niveau de la démocratie, du développement économique ou encore des questions sécuritaires ».
Quant aux chefs d’Etat et de gouvernement africains, après l’annonce des résultats de la présidentielle américaine, ils ont souhaité la bienvenue au président élu des USA et à la vice-présidente Kamala, manifestant ainsi leur désir de travailler avec eux. Parmi ceux-ci le Gabonais Ali Bongo, le Premier ministre éthiopien et Prix Nobel de la Paix Abiy Ahmed, le Sud-Africain Cyril Ramaphosa, le Congolais Félix Tshisekedi, le Sénégalais Macky Sall, le Nigérian Muhammadu Buhari… « L’Union africaine attend avec impatience une nouvelle relation plus forte avec les Etats-Unis, basée sur le respect et la coopération internationale », a déclaré pour sa part Moussa Faki, président de la Commission de l’Union africaine. Selon Christopher Fomunyoh, directeur régional pour l’Afrique au National Democratic Institute for International Affairs, Joe Biden fera davantage pour la consolidation des relations avec les pays démocratiques, en mettant plus d’accent sur le renforcement de la démocratie et la transparence dans la gestion des finances publiques et dans la gestion de la chose publique. Une autre bonne nouvelle est l’annulation des restrictions de visa concernant les ressortissants du Soudan, du Nigeria et de la Somalie qu’envisage le président américain.
Barack Obama et son ancien vice-président : une complicité de tout instant !
La fin des conflits avec les dirigeants africains
Avec le départ de Donald Trump, il y a lieu de parler de la fin des conflits avec certains dirigeants africains. Trump s’était attaqué à plusieurs dont l’Ethiopien Tedros Ghebreyesus, qui dirige l’Organisation mondiale de la santé (accusé de faire le jeu de la Chine lors de la crise du coronavirus). C’était pareil avec le Nigérian Akinwumi Adesina de la Banque africaine de développement, ou avec la Gambienne Fatou Bensouda, procureure générale de la Cour pénale internationale (CPI).
Relance de l’initiative AGOA
Pendant les quatre ans de règne de Trump, les échanges de biens entre les Etats-Unis et l’Afrique ont beaucoup baissé. Les Africains attendent de Joe Biden la relance de la loi sur la croissance et les perspectives de l’Afrique (African Growth Opportunity Act, AGOA), initiative qui a permis des progrès importants depuis 2001, mise en place par Bill Clinton. Des échanges commerciaux avaient atteint 141 milliards de dollars en 2008 sous George Bush. En 2019, ils étaient à 56 milliards de dollars. Selon le ministère américain du Commerce, en 2018, tous les pays d’Afrique subsaharienne réunis ne pesaient que 1% des exportations. La RDC qui vient d’intégrer l’AGOA, d’après l’ambassadeur américain en poste à Kinshasa, Mike Hammer, va bénéficier de l’accroissement des liens commerciaux et des investissements américains qui vont contribuer à sa prospérité économique. « L’équipe de notre ambassade travaille déjà en coordination avec le gouvernement congolais et la Chambre américaine de commerce à Kinshasa pour informer et guider les entreprises congolaises afin qu’elles puissent profiter pleinement de l’AGOA », a-t-il indiqué.
Question militaire et de lutte contre le terrorisme
Il y a aussi la question militaire dont le Pentagone avait envisagé de retirer son aide logistique. Surement que ce projet stoppé par le Congrès américain ne sera plus exécuté. Les États-Unis disposent de 34 bases sur le continent, justement pour lutter contre le terrorisme.
Appui à la formation universitaire
Joe Biden dit se soucier en particulier de la jeunesse africaine, dont il veut revitaliser le programme « Young African Leaders (Yali) », créé par Barack Obama, mais entré dans la léthargie ces quatre dernières années. Avec Yali, beaucoup de jeunes Africains pourront obtenir des bourses afin d’aller étudier dans l’une des universités américaines.
Après la brève visite à Luanda du président de la République démocratique du Congo (RDC) Félix Tshisekedi, la partie angolaise, en tant que médiateur dans le conflit qui touche l’Est de la RDC, a annoncé le 11 mars 2025 des négociations directes entre Kinshasa et les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23). Une position inattendue du chef de l’État congolais après plus de 3 ans de refus d’un dialogue direct. Pourquoi une telle volte-face ? Tentative de réponse…
Après avoir longtemps placé une ligne rouge aux rebelles, Félix Tshisekedi cède… Depuis Luanda, la Présidence angolaise a balancé un communiqué qui semble avoir glacé le camp politique du régime en place. « Après la brève visite de travail de Son Excellence Félix Tshisekedi à Luanda, la partie angolaise, en tant que médiateur dans le conflit qui touche l’Est de la République démocratique du Congo, établira des contacts avec le M23, afin que des délégations de la RDC et du M23 mènent des négociations directes qui auront lieu à Luanda dans les prochains jours, en vue de négocier une paix définitive », peut-on lire sur le compte de la Présidence angolaise.
En une phrase : Tshisekedi accepte le dialogue direct avec les rebelles. Pourtant, il y a 13 jours, devant l’Union sacrée, sa plateforme politique, le chef de l’État congolais avait donné des raisons de son refus d’un dialogue direct, considérant le M23 comme une « coquille vide » qui risque de reprendre les revendications du Rwanda. Félix Tshisekedi avait donc préféré dialoguer directement avec le Rwanda, le mentor de cette rébellion. Mais que s’est-il passé dans l’entre-temps pour assister à une telle volte-face ?
Quelles pourraient être les raisons ?
Certains observateurs expliquent cette volte-face par des pressions que Félix Tshisekedi subirait à l’interne tout comme à l’international. En interne, les hommes de l’Église ont sillonné toute la région pour vendre leur projet de Pacte social pour la paix et le bien-vivre ensemble dans la région des Grands Lacs, ainsi que l’opposition politique au régime de Tshisekedi. Les dirigeants de la région, à commencer par l’Angolais João Lourenço, en passant par l’Ougandais Yoweri Museveni et le Congolais Sassou Nguesso, n’ont de cesse de recommander à Tshisekedi de dialoguer avec le M23. Dernièrement, lors du sommet conjoint EAC-SADC, le 9 février à Dar es Salaam, il avait été recommandé à Kinshasa de dialoguer avec tous les acteurs, y compris le M23. Même des partenaires occidentaux comme Londres et Washington ont aussi recommandé un dialogue direct avec ces rebelles. Face à de telles pressions internationales et en n’ayant pas une armée capable de faire la différence sur les lignes de front, l’option ultime serait celle d’un dialogue direct avec les acteurs de cette instabilité sécuritaire.
Un dialogue pas facile à engager pour Kinshasa
Accepter un dialogue est un premier pas. Mais il faudra aussi attendre la réaction de la rébellion du M23 qui, jusqu’à la mise sous presse de cette analyse, n’a pas encore pris la parole. La rébellion doit probablement consulter ses alliés à Kigali, à Kampala et dans d’autres capitales africaines pour donner leur position. Les futures négociations entre Kinshasa et le M23 – si elles sont engagées – ne signent pas automatiquement la fin du conflit, dont la résolution s’avère être un sérieux casse-tête. Le gouvernement congolais se retrouve face à un monstre à trois têtes : le M23, le Rwanda et l’AFC de Corneille Nangaa que Félix Tshisekedi associe à Joseph Kabila. Chacun a ses propres agendas ou revendications. Il y a tout d’abord le M23, qui demande le respect des accords de 2013, à savoir leur réintégration dans l’armée, leur transformation en mouvement politique, et le retour des réfugiés d’origine tutsi du Rwanda et d’Ouganda.
Il y a ensuite le Rwanda, qui soutient en hommes et en armes la rébellion, et qui réclame la neutralisation des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), ce groupe armé hostile à Kigali. Et puis, il y a ce qu’on peut qualifier d’un intrus dans les revendications traditionnelles du M23 : l’AFC de Corneille Nangaa. Cette branche est apparue comme un uppercut en plein conflit. L’AFC a des revendications plus radicales et demande le départ de Félix Tshisekedi du pouvoir. Un monstre à trois têtes qui risque d’être difficile à gérer pendant les discussions. Si l’Angola est maintenu comme médiateur dans ce conflit, Luanda pourrait avoir du pain sur la planche pour conduire ces discussions.
Le discours de Muyaya pris au dépourvu !
La nouvelle du dialogue est une surprise quasiment pour tous les membres du gouvernement qui répétaient à l’envie qu’ils ne s’assiéraient jamais autour de la table avec les « marionnettes de Kigali », tous qualifiés de « terroristes » et tous condamnés à mort par la justice congolaise. Lorsque Félix Tshisekedi avait dit qu’il ne dialoguerait pas avec le M23, même s’ils arrivaient devant la porte de sa résidence de la Cité de l’Union africaine, située à l’ouest de Kinshasa, c’était également au regard de cette dimension éthique liée au fait que les rebelles étaient déjà qualifiés de « terroristes ». Pendant que le porte-parole du gouvernement Patrick Muyaya avait même mis en place un discours bien huilé sur ce refus de dialoguer avec ces « terroristes », Tshisekedi change subitement d’avis. Comment alors réorienter la communication ? Quel argument apporter à l’opinion publique congolaise pour la convaincre de cette volte-face ? Le porte-parole du gouvernement semble aujourd’hui un peu coincé, évoquant l’obligation d’un dialogue faite dans la Résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies sur la crise en RDC. Il faudra donc à Patrick Muyaya retravailler un autre discours pour l’adapter à la nouvelle réalité, celle d’essayer de ne plus trop critiquer les rebelles, devenus des interlocuteurs valables. Une acrobatie difficile à exécuter face aux milliers de morts causés par cette rébellion dans la ville de Goma et dans d’autres territoires des provinces du Nord et du Sud-Kivu.
L’homme a le profil d’un dirigeant tribal. Depuis son accession à la tête de l’État rwandais, Paul Kagame mène une guerre à la fois ethnique et économique dans la région des Grands Lacs. Il combat systématiquement des régimes politiques qui ne sont pas d’obédience tutsie. Deux États des Grands Lacs africains demeurent des foyers de tension, dont l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) constitue le lieu de reflux de leurs politiques bellicistes : il s’agit du Rwanda et de l’Ouganda. Toutes les agressions armées qu’a subies le territoire congolais depuis 1996 sont parties du Rwanda, de l’Ouganda et parfois du Burundi. Mais la situation a changé pour Bujumbura depuis la prise de pouvoir dans ce pays par un Hutu, Pierre Nkurunziza suivi de Evariste Ndayishimiye
En février dernier, Paul Kagame a reconnu un fait qui n’est pas une révélation : sa proximité avec le Mouvement du 23 mars (M23). Ce mouvement, qui exerce une violence rare dans l’Est de la RDC, est composé en majorité de rebelles Tutsis. Depuis 30 ans, c’est Paul Kagame qui tire les ficelles des conflits à répétition en RDC.
Une politique souvent soutenue par son mentor, Yoweri Museveni, de l’Ouganda. Dans une interview à Jeune Afrique, M. Kagame a avoué que le Rwanda est « impliqué depuis trente ans » dans le problème de l’Est de la RDC.
Sans le dire ouvertement, le chef de l’État rwandais semble être en quête d’une sorte de foyer national tutsi dans l’Est du Congo. « Le point de départ des revendications par le M23, c’est d’abord la protection et la sauvegarde de la communauté tutsi du Congo. C’est la racine de la conflictualité dans cette région des Grands-Lacs », a-t-il expliqué. Mais ce n’est pas uniquement en RDC qu’il applique une telle politique. Paul Kagame est dans une logique ethnique. Son souci, c’est de dominer les Grands Lacs avec des dirigeants de son obédience ethnique.
Empire Hima-Tutsi
Le nœud du problème des Grands Lacs, c’est aussi cette tendance suprématiste d’une ethnie qui semble vouloir trouver sa sécurité en dominant d’autres. C’est le sens de la construction théorique d’un empire dit « Hima-Tutsi ». Pour parvenir à cette fin, Paul Kagame et le président ougandais Yoweri Museveni n’hésitent pas à fomenter des rébellions dans l’Est de la RDC ou encore au Burundi pour déstabiliser des régimes qui ne sont pas de leur obédience. Pour certains Hutu, ces guerres à répétition justifient la légendaire intention des Tutsi de créer cet « empire Hima-Tutsi » en Afrique centrale.
Burundi aussi visé
Depuis la fin du régime tutsi au Burundi, ce pays est entré dans l’œil du cyclone de Paul Kagame. En 2015, une tentative de coup d’État menée par des individus en majorité tutsis avait échoué. Les putschistes – armés par Kigali – s’étaient repliés au Rwanda, avant de venir s’installer au Congo, devenant des rebelles Red Tabara. Le Burundi avait accusé le Rwanda de vouloir renverser le régime politique démocratiquement établi à Bujumbura. Depuis, les relations bilatérales entre les deux pays ne sont plus au beau fixe. En 2021, Kigali a refait la même tentative, toujours sans succès, obligeant le Burundi à fermer ses frontières terrestres avec le Rwanda. Par la voix de son président, Evariste Ndayishimiye, ce pays a menacé d’attaquer le Rwanda à la moindre nouvelle provocation. « Le Burundi a accusé le Rwanda de soutenir le coup d’État de 2015. Le Rwanda est aussi reproché de soutenir le groupe rebelle burundais Red Tabara au Sud-Kivu, qui menace la sécurité du régime burundais », note un analyste burundais.
RDC, la paix après Kagame ?
Depuis ses premières incursions au Congo lors de la croisade de l’AFDL, le Rwanda a mis en place une véritable économie de prédation. Celle-ci porte particulièrement sur l’extraction des minerais de colombo-tantalite, la matière première des gadgets électroniques. Mais aussi de l’or congolais et d’autres minerais stratégiques. Cette prédation n’aura pas de fin tant que la RDC restera une passoire pour des armées étrangères.
Pour parvenir à la paix dans la région des Grands Lacs, le pays de Lumumba doit changer son fusil d’épaule. Ce pays, qui constitue le ventre mou de la région, devrait construire une armée forte et dissuasive pour éviter que son territoire soit continuellement un champ de bataille du Rwanda et de l’Ouganda. Si une telle armée n’est toujours pas mise en place, le pays doit compter sur le départ de Paul Kagame de son pouvoir pour espérer respirer un air de paix. Même si le chef de l’État rwandais cherchera à placer son fils à la tête du Rwanda, ce dernier pourrait ne pas appliqué la même politique que son père.
Depuis quelques jours, les relations entre le président rwandais Paul Kagame et ses partenaires occidentaux ont fluctué. L’implication de Kigali dans la déstabilisation de la République démocratique du Congo (RDC) a eu des conséquences. Plusieurs sanctions sont tombées contre le Rwanda. Devrait-on penser à la fin de la protection occidentale de cet autocrate ? Difficile de répondre par l’affirmative tant que l’Occident ne lui a pas trouvé de successeur.
Chéri par l’Occident, le président rwandais est perçu comme un agent loyal des intérêts occidentaux dans la région des Grands Lacs. Certains Africains l’accusent de piller les richesses de la RDC au profit des Occidentaux. En échange, son régime est financé et protégé par ces partenaires. Depuis des décennies, Paul Kagame a agi, souvent en toute impunité. Il n’hésite pas à violer à plusieurs reprises l’intégrité territoriale de la RDC. Ses troupes coalisées avec les rebelles du mouvement du 23 mars (M23) ont attaqué les villes de Goma et Bukavu, faisant plus de 3000 morts en janvier dernier. Depuis quelques jours, on assiste à une salve de sanctions dirigée contre le Rwanda. Est-ce un signe de la fin ? Difficile d’y penser, car Paul Kagame a toujours réussi à revenir dans le jeu occidental.
2025 et 2012, une répétition ?
En 2012, certaines analyses prédisaient aussi la fin du régime de Kigali lorsque ses partenaires occidentaux avaient pris des sanctions contre lui en raison de son soutien aux rebelles du M23. Parmi les accusations formulées contre le Rwanda par un rapport du groupe d’experts des Nations Unies, on peut notamment citer le meurtre de dizaines de milliers de personnes en RDC, le soutien à de violentes révoltes dans ce même pays et le contrôle illégal du très lucratif commerce des minerais de la RDC. Après ce rapport, un grand nombre de pays donateurs ont, fait incroyable à l’époque, décidé de demander des comptes au président rwandais. Plusieurs sanctions avaient été prises contre Kigali. Mais l’homme avait réussi à revenir dans les bonnes grâces de ses parrains les années qui ont suivi. Cela, au point de signer, en février 2024, un accord sur les minerais critiques avec l’Union européenne. Ce qui laisse penser que les sanctions de 2025 pourraient être une répétition de l’histoire et que Paul Kagame reviendra dans le jeu occidental. « L’Occident est derrière ce pillage des minerais de la RDC et Paul Kagame joue le rôle de nègre de maison », pense un analyste. Ce qui fait que les Occidentaux ne le lâcheront pas facilement.
Kagame, une garantie contre un nouveau génocide
À travers les années, Kagame a été un allié stratégique pour plusieurs pays occidentaux, notamment en raison de son rôle central dans la stabilisation de la région des Grands Lacs après le génocide tutsi de 1994. Son gouvernement a été perçu comme un acteur clé dans la lutte contre l’extrémisme et pour le développement économique de son pays. Les avancées économiques, mais aussi la construction des infrastructures dans son pays, séduisent ses partenaires. Bien que les tensions politiques aient existé, les relations économiques et commerciales entre le Rwanda et les pays occidentaux sont souvent restées relativement solides. Kagame a été vu comme un leader capable de maintenir la stabilité économique du Rwanda, avec un taux de croissance impressionnant, et il a travaillé à renforcer la position du pays dans les forums économiques mondiaux. Cela a pu amener certains pays occidentaux à garder une approche pragmatique vis-à-vis de son gouvernement.
La question des droits de l’homme
Le président rwandais a été souvent critiqué par les organisations de défense des droits de l’homme pour ses pratiques autoritaires, notamment pour la répression de l’opposition, les restrictions sur la liberté de la presse et les arrestations de dissidents. Ces préoccupations ont progressivement attiré l’attention de certains acteurs occidentaux. Par exemple, les rapports sur les violations des droits de l’homme au Rwanda et les accusations concernant l’implication du gouvernement rwandais dans des conflits dans les pays voisins (notamment la RDC) entachent son image. Mais l’Occident n’en fait pas trop un problème tant que le business passe. Surtout que le mythe d’un Occident moralisateur est déjà tombé, notamment à cause de sa politique de deux poids deux mesures face à certaines dictatures.
Même s’il est difficile de tirer une conclusion sur la fin ou non du régime rwandais, il est cependant clair que les relations entre lui et ses partenaires sont de plus en plus marquées par des tensions, surtout en ce qui concerne la question des droits de l’homme et la stabilité régionale. Toutefois, ses rapports économiques avec l’Occident et son rôle stratégique en Afrique centrale et orientale pourraient encore lui permettre de maintenir certains soutiens, notamment la France, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Pour Paris, Kigali reste un pion majeur dans la sécurisation des intérêts français dans certaines régions d’Afrique. C’est notamment le cas de Total au Mozambique, où l’armée rwandaise joue le rôle de gendarme face au terrorisme.