Nous rejoindre

Histoire

Le Grand Kivu

Région réputée dans son ensemble pour être un paradis sur terre, le Grand Kivu a malheureusement été secoué au cours de son histoire par des conflits récurrents, conséquence de la convoitise sur ses nombreux atouts et richesses.

Published

on

Situé dans la partie Est de la RDC, le Grand Kivu regroupe aujourd’hui les provinces du Maniema, du Nord-Kivu et Sud-Kivu.  Cet ensemble totalise un peu plus de 256.863 km² soit une superficie cinq fois plus grande que le Rwanda où vivent environ 12 millions d’habitants.  Il a pour pays limitrophes, le Burundi, le Rwanda, l’Ouganda et la Tanzanie.

Dès la période préhistorique, cet espace est occupé par différents peuples qui s’y implantent et constituent  des royaumes plus ou moins organisés, plus ou moins homogènes, plus ou moins conquérants, à la tête desquels sont placés des Mwami.

En faisant correspondre ces différentes entités aux provinces actuelles, on retrouve dans le Maniema le royaume de l’Urega des peuples Lega ou Rega qui est considéré comme le plus vaste de tous ces Etats de la région, se déployant  jusqu’au Sud-Kivu dans les territoires de Mwenga, Shabunda. Pour sa part, les Bavira installent leur pouvoir à partir du sud du Maniema.

Au Nord-Kivu, le royaume confédéral des Bayira peuplé des Banande est localisé dans le nord de la province dans les territoires de Beni et Lubero ainsi qu’à Butembo, tandis que la confédération des Bahunde regroupant trois royaumes à savoir celui du Bwito, du Bunyungu et du Kishali s’étend sur les territoires de Masisi, Rutshuru, Goma jusqu’à empiéter dans une partie du Rwanda.  Quant au royaume des Banyanga, il couvre le territoire de Walikale.

Dans la province du Sud-Kivu, le royaume le plus remarquable est celui des Bashis dont l’espace englobe les territoires de Kabare, de Walungu, une partie de Mwenga (villes de Bukavu et Kamituga) et de l’île d’Idjwi, après que ce puissant Etat guerrier s’imposa sur ses vassaux dont le royaume du Buhavu, jusqu’à aller envahir le Rwanda jusqu’aux confis de Kigali.

Parmi les autres Etats ayant évolué dans ce qui représente l’actuelle province du Sud-Kivu, on peut citer le royaume des Babembe aux abords des rives du lac Tanganyika, celui des Bafuleros dans le territoire d’Uvira.

Pour ces peuples agro-pastoraux venant du sud-est africain qui se sont imposés sur les Pygmées, les verts pâturages de ces régions montagneuses et ainsi que le climat d’altitude aux basses températures sont propices pour l’élevage de leur bétail de bovins et caprins, expression par excellence de leur richesse.  De même, l’agriculture bénéficie de la fertilité des sols volcaniques.

Les invasions extérieures

Tout au long de son histoire, la région du Grand Kivu est l’objet d’invasions extérieures de la part des  forces désireuses d’étendre leur puissance et s’accaparer de ses richesses. Le Maniema de par sa situation géographique centrale en RDC joue à ce titre un rôle historique majeur.

Il commence d’abord par subir l’occupation arabo-swahilie dès le milieu du 19ème siècle qui est le fait de commerçants provenant de la côte orientale de l’Afrique, au départ de Zanzibar, à la recherche d’ivoire, d’ébène et d’esclaves pour approvisionner les marchés asiatiques. 

Ceux-ci s’installent à Nyangwe dans le territoire de Kasongo.  Ils en font le principal marché des esclaves du Maniema.  Et les vestiges de cette période de l’histoire sont d’ailleurs encore visibles à ce jour.

Le plus puissant et le plus célèbre d’entre eux, Tippo-Tip y opère des razzias et parvient à placer sous sa coupe de vastes domaines. Son pouvoir s’exerce ainsi du lac Tanganyika à la forêt de l’Ituri, dans une partie du Grand Kivu jusqu’au-delà de Kisangani, voire dans une partie du Kasaï.  

Parallèlement à cette invasion, un mouvement d’exploration en provenance d’Europe s’effectue à l’initiative de Léopold II, roi des Belges et atteint la contrée.  Les explorateurs occidentaux en quête des sources du Nil découvrent le lac Edouard en 1889, puis le lac Kivu en 1894.

Stanley, mandataire de Léopold II rentre en contact avec Tippo-Tip.  Celui-ci l’aide à explorer la région et se fait nommer « wali »,  c’est-à-dire gouverneur du Maniema pour le compte de l’Etat Indépendant du Congo (EIC).

Toutefois, cette relation prend fin à l’occasion de la campagne antiesclavagiste menée contre les arabo-swahilis qui se voient obligés de regagner leur lieu d’origine.  Léopold II débute alors la mise en valeur de la province pour tirer profit de ses richesses minières et agricoles, en construisant notamment le chemin de fer au Maniema pour assurer la liaison avec Kisangani (Stanleyville) sur le tronçon non navigable du Lualaba, et ainsi assurer la jonction avec Kinshasa (Léopoldville) par voie fluviale pour l’évacuation des denrées et minerais  d’une part et d’autre part, l’acheminement des produits manufacturés.

Afin d’affermir son autorité, le pouvoir colonial modifie administrativement les différents royaumes rencontrés sur place en réduisant leur étendue en chefferies et en déstabilisant leur organisation traditionnelle.

Après que le Ruanda-Urundi est placé sous mandat belge à la suite de la défaite de l’Allemagne lors de la Première guerre mondiale de 1914-1918, le colonisateur transplante des populations rwandaises au Congo.  Ce mouvement migratoire se justifie pour donner refuge à des individus confrontés à la famine et aux conflits ethniques internes opposant Hutus et Tutsis.

D’une manière générale, cette immigration rwandaise est acceptée, sinon tolérée par les populations du Kivu.  Les nouveaux venus accèdent aisément à des postes de responsabilité dans diverses activités socio-professionnelles voire exceptionnellement à des fonctions du pouvoir coutumier.

Devant la résistance rencontrée auprès des souverains locaux réfractaires à ce diktat, le pouvoir colonial procède à leur relégation.  Ainsi en est-il, entre autres, du Mwami de Kabare Alexandre Rugemanizi Ier  qui se voit confiné à Léopoldville (Kinshasa) vers 1935.

Cependant en 1959, à l’issue de la victoire des Hutus aux élections intervenues au Rwanda,  on assiste à une arrivée massive des réfugiés Tutsis au Congo sous l’encadrement de l’Organisation des Nations Unies au Congo (ONUC) dans des camps dressés pour ceux-ci.  Ils sont tout de suite accusés par les différentes institutions humanitaires (HCR, Croix-Rouge, ONUC) qui les prennent en charge  d’user d’intrigues contrairement au devoir de réserve auquel ils sont tenus vis-à-vis du pays d’accueil.

Indépendance et déliquescence de l’Etat congolais

Dès le lendemain de la proclamation de l’indépendance, les réfugiés Tutsis sont de plus en plus suspectés de fomenter un plan d’occupation et d’annexion du Kivu par le Rwanda en s’installant progressivement de manière insidieuse dans cette aire.

En 1963, le Grand Kivu à côté d’autres endroits du pays est le théâtre de la rébellion des Simbas  qui enflamment le Congo et occupent pratiquement les ¾ de la République.  Cette rébellion dirigée par les partisans de Lumumba qui a perdu illégalement le pouvoir en 1961, comprend plusieurs factions lesquelles  interviennent en divers fronts, que ce soit à la frontière burundo-congolaise, au Nord-Kivu, dans la ville stratégique de Kindu… Elle se termine après que son dernier bastion situé à Bukavu est vaincu en novembre 1965.

Au même moment, les Tutsis revendiquent en 1964, l’acquisition automatique de la nationalité congolaise par la force donnant lieu à des affrontements sanglants qui prennent fin en 1965.

En 1972, les revendications des populations rwandophones installées au Kivu avant l’indépendance aboutissent en leur faveur : grâce à des complicités internes, une loi leur accorde de façon automatique et collective la nationalité congolaise.   Elle leur assure l’accession à la terre et le droit électoral. 

Cette nouvelle disposition légale attise des vives tensions intercommunautaires.  Dans l’entretemps, les réfugiés Tutsis s’octroient abusivement l’identité ethnique Banyamulenge.   Les ethnologues Congolais dénoncent cette usurpation car l’espace appartient aux Bafuleros, un peuple autochtone, dont un des descendants de leurs rois nommé Mulenge ayant résidé sur le plateau éponyme l’avait baptisé et l’emplacement avait servi de camp d’accueil aux Tutsis lors de leur fuite du Rwanda en 1959. 

Devant les multiples tensions aiguisées par ces conflits intercommunautaires, le pouvoir congolais de l’époque se rétracte  dix ans plus tard.  En 1982, en effet, l’Assemblée nationale abroge la loi sur la nationalité, cette fois-ci conférée par naturalisation à la demande expresse du requérant.  La réaction est brutale : les bureaux de l’état-civil sont sauvagement saccagés afin de détruire les archives et empêcher d’appliquer comme il se doit la nouvelle loi.

Dans ce climat délétère, un génocide a lieu au Rwanda causé par les Hutus que le pouvoir tutsi parvient cependant à chasser du pays.  En 1994, un afflux massif de plus d’un million de réfugiés Hutus se déroule alors en RDC, exacerbant les tensions ethniques, démographiques et foncières dans le Kivu. Cette date marque un tournant décisif de l’histoire du Grand Kivu et bien sûr de tout le pays.

Il s’ensuit une alliance régionale, où l’on retrouve l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi et d’autres pays de l’Est, à la faveur de laquelle Laurent-Désiré Kabila, à la tête de l’Alliance des Forces Démocratiques de Libération (AFDL), renverse le régime de Mobutu.

La  région s’embrase, chacun des acteurs justifiant son implication dans le conflit.  La nouvelle armée rwandaise victorieuse contre le régime hutu, désormais majoritairement constituée de Tutsis, instaure une politique de poursuite contre leurs ennemis génocidaires et envahit le Kivu pour les traquer.

Des massacres des Hutus adviennent dans les camps des réfugiés au Congo ainsi que sur des populations congolaises opposées à l’occupation rwandaise.

Pour leur part, les rebelles hutus rwandais appelés, miliciens Interahamwe, constituent les Forces Démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un mouvement politico-militaire et commettent également de nombreuses atrocités au Kivu.

Le bilan se chiffre par un effroyable génocide de plus de 5 millions de morts dont la RDC  est l’innocente victime avec le déplacement forcé de près de 2 millions de Congolais dans les pays voisins (Burundi, Ouganda, Tanzanie, Zambie), à travers des événements gravés de manière tristement mémorable dans l’histoire comme les massacres de Kasika (24.08.1998), de Makobola (30.12.1998), Katogota (14.05.2000) et bien d’autres…

L’armée nationale congolaise, les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) précédemment affaiblie, se requinque et ne cesse de gagner des positions année après année. Pendant ce temps, elle doit faire face à la rébellion des LRA (Armée de résistance du Seigneur)  et Forces démocratiques alliées- Armée de libération de l’Ouganda (ADF-NALU) en provenance de l’Ouganda. 

Un mouvement de résistants patriotes dénommé « Maï-Maï » sous divers embranchements appuie dans la mesure du possible le combat des FARDC sur ses différents fronts.

Il n’empêche, sentant en permanence le danger sur son flanc ouest, le Rwanda n’a de cesse d’alimenter des mouvements agissant sous le prétexte de la protection de la minorité tutsie prétendument persécutée, par ailleurs soi-disant de nationalité congolaise : c’est ainsi qu’après le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) qui prend les armes le 2 août 1998, c’est au tour du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) qui prend le relais entre 2007 et 2009 et sa résurgence du M 23.

A chaque fois, c’est la population kivutienne dans son ensemble qui est directement sous les feux croisés de ces antagonismes et paie le lourd tribut avec son lot de désolation pour la vie humaine et socio-économique pendant que tous les protagonistes de ce sombre épisode sont accusés de l’entretenir pour cause d’enrichissement illicite des richesses trouvées sur place.  A ces souffrances infligées par les conflits armées, s’ajoutent parfois des catastrophes naturelles comme l’irruption volcanique intervenue à Goma en 2002 avec son lot de dégâts.

Demain le Grand Kivu

Alors que tout au long de son histoire, le Grand Kivu a toujours su sauvegarder sa souveraineté contre les velléités d’envahissement des Rwandais, la déliquescence de l’Etat congolais consécutive à plusieurs décennies de mégestion leur offre apparemment la possibilité d’y parvenir par plusieurs tentatives des coups de butoir assénés à la RDC, dénoncés régulièrement par des manœuvres insidieuses de balkanisation.

A chaque fois, ces hostilités récurrentes, latentes ou bel et bien manifestes, trouvent leur fondement dans la position de carrefour stratégique du Grand Kivu coincé entre l’Est, le Sud (Grand Katanga), le Nord (Grande Orientale) et l’Ouest (Grand Kasaï) qui en a souvent fait le lieu de transit obligé des antagonismes et de conquête du pouvoir établi à Kinshasa.

Les mobiles s’entremêlent avec toujours l’ombre omniprésente du Rwanda : rivalités ethniques et volonté d’assujettissement, appétits fonciers consécutifs au besoin de l’élargissement de l’espace vital crucial dans une terre riche, exploitation des minerais de la région qui en est abondamment pourvue entre autres le coltan…

Néanmoins,  le patriotisme de la population attachée à la cohésion nationale, le contexte démocratique et la détermination au redressement du pays sous la vigilance de l’ensemble des citoyens Congolais, sans compter la contribution de la justice internationale, augurent à terme, en dépit des soubresauts observés, d’un Grand Kivu pacifié au sein de la RDC, appelé à relever le défi qui est le sien d’être la connexion entre la partie Est de l’Afrique et de l’Océan Indien et la partie Ouest du pays dans un contexte panafricain de développement.    

Noël Ntete

Histoire

Stanley Pool, site de naissance des villes de Kinshasa et Brazzaville

Le Pool Malebo, anciennement appelé Stanley Pool, est un lac situé au sud du fleuve Congo. Il sépare de part et d’autre Brazzaville et Kinshasa. Ce lac ou bassin d’une longueur de 35 km et une largeur de 23 km est considéré comme le berceau des deux capitales les plus rapprochées au monde.

Published

on

Ce bassin abrite dans son centre une île nommée M’bamou. Il est aussi appelé Lac Nkunda, Lac Ngobila, Malebo Pool ou Stanley Pool, Mpumbu, lac Nkuna. Par étymologie, le nom Malebo est le pluriel de lilebo et désigne, en lingala, le borasse, un grand palmier qui arborait abondamment les rives et les îles du pool. « Pool » est un terme anglais, et signifie « bassin » et parfois « lac ».

À l’époque coloniale, c’est-à-dire de 1885 à 1960, le Pool est connu sous le nom de « Stanley Pool », en l’honneur del’explorateur Henry Morton Stanley qui cartographia et travailla une bonne partie de sa vie dans cette région du monde. Géographiquement, les capitales des deux Congo, Kinshasa et Brazzaville, sont situées de part et d’autre, en aval du Pool. Maluku se trouve à l’entrée amont du lac. Vers l’amont, le Pool Malebo marque le début du Congo navigable jusqu’à Kisangani, via Mbandaka et Makanza. Vers l’aval, au-delà de la baie de Ngaliema, plusieurs ensembles de rapides (connus sous le nom de Chutes Livingstone) se succèdent sur un dénivelé d’environ 300 mètres jusqu’au port de Matadi.

Le 12 mars 1877, l’expédition conduite par Henry Morton Stanley atteignit le Stanley Pool (aujourd’hui Pool Malebo). Ici, Stanley a rencontré Mankoneh, le chef Bateke et Itsi, chef des Ntamo, formant une fraternité de sang. C’est le site des villes actuelles de Kinshasa et Brazzaville, capitales de la République démocratique du Congo et de la République du Congo.

Stanley – Brazza

Avant peu à Léopoldville, un monument à la mémoire de Stanley et un autre, sur la rive française, à Savorgnan de Brazza, se feront vis-à-vis le long du fleuve Congo. Emouvante confrontation ! L’intrépide Gallois, dont Léopold II se fit un précieux auxiliaire, Stanley, celui que les indigènes du Bas-Congo appelèrent Boula-Matari, le « briseur de rocs », a été le rival de Savorgnan de Brazza, cet Italien devenu Français qui d’abord incompris, rongé de fièvres, commença dès 1875 d’explorer l’Afrique équatoriale pour finalement conclure en 1880 avec le roi Makoko un traité qui assurait à la France le protectorat sur la rive droite du Pool.

Entre les deux hommes, une course de vitesse s’engagea. Les choses faillirent même à un moment donné tourner mal. L’Acte de Berlin devait finalement consacrer les droits respectifs de la France et du nouvel Etat indépendant du Congo, de chaque côté du grand fleuve. 

Aujourd’hui, il ne peut être en aucun cas question d’une rivalité, d’une inimitié quelconque entre le Congo belge et l’A.-E.F. Il faut parler plutôt d’une saine et fructueuse émulation. La collaboration étroite entre la France et la Belgique que de tous nos vœux nous appelons en Europe il faut qu’elle s’institue également en Afrique. En moins d’un quart d’heure, les vedettes rapides vous transportent du beachde Léopoldville au débarcadère central de Brazzaville !… 

On ne comprendrait pas que les deux gouvernements, les deux administrations, ne s’entendissent point pour se prêter mutuellement aide et assistance. Déjà en ce qui concerne l’énergie électrique, on assiste à un fructueux échange. Le pont qui doit être jeté entre les deux rives des capitales les plus rapprochées au monde pourrait davantage accroitre les échanges commerciaux et même culturels. 

Raymond OKESELEKE

Continue Reading

Dossier

Mpolo et Okito, toujours dans l’ombre de Lumumba…

L’histoire de l’assassinat de Patrice Emery Lumumba est collée à deux autres martyrs : Maurice Mpolo et Joseph Okito. Le premier fut ministre de la Jeunesse et chef d’état-major de l’armée congolaise et le second président du Sénat. Mais l’imposant personnage de Lumumba continue de faire ombrage à ses compagnons de lutte pourtant morts dans les mêmes circonstances.

Published

on

Au cœur des hommages que la nation organise depuis le 21 juin dernier, deux familles se sentent oubliées. Celles de Maurice Mpolo et Joseph Okito. Ces deux compagnons de Patrice Emery Lumumba ont été assassinés ensemble avec le tout premier Premier ministre de la République démocratique du Congo le 17 janvier 1961, dans l’actuelle province du Haut-Katanga, au sud-est du pays. Après plusieurs années de réclamation d’une reconnaissance, les deux personnalités ont été admises, le 14 juin dernier, dans l’Ordre national des héros nationaux Kabila-Lumumba.

Mais les familles de ces deux infortunés ne sentent pas toujours considérées dans les cérémonies d’hommages qui se déroulent actuellement en République démocratique du Congo. Dans une interview accordée à la presse, le 24 juin 2022, la fille aînée de Maurice Mpolo ne s’explique pas le fait que son géniteur ainsi que Joseph Okito restent dans les oubliettes alors que les deux sont morts le même jour et dans les mêmes circonstances que Lumumba. Jacqueline Mpolo a exprimé son regret de constater que les deux familles n’ont été ni de près ni de loin associées à ces différentes funérailles. 

« On est choqués. C’est comme si on est en train de remuer le couteau dans nos cœurs. Ça nous fait mal de voir qu’il y avait 3 personnes qui sont mortes pour les mêmes causes, le même idéal et qui ont terminé leur vie ensemble. Les sangs et chairs fusionnés. Maintenant, on doit les détacher. Même les bourreaux, les assassins ne les ont pas séparés […]. Si cela vient du sommet de l’État, c’est scandaleux. Nous n’avons pas été invités. Même au moment où je vous parle, nous n’avons pas de programme de tout ce qui se passe. », a affirmé Jacqueline Mpolo. 

La fille de l’ancien ministre de la Jeunesse et chef d’état-major de l’armée congolaise porte aussi des critiques sur la dernière décoration faite aux deux compagnons de Lumumba.  « […] Il y a Kengo Wa Dondo et Papa Wemba qui ont été élevés au rang de Grand Cordon des ordres des héros nationaux Kabila-Lumumba. Joseph Okito et Maurice Mpolo toujours admis dans l’ordre national de Héros nationaux Kabila-Lumumba aux grades de grands officiers ? Le président de la République qui a signé cette ordonnance, je lui demande de la réexaminer. Nous avons fait une lettre de recours pour qu’il puisse revoir cette ordonnance », a-t-elle enchainé.

Si la famille Lumumba est en première loge et a pu récupérer une relique du corps de l’héros national congolais, les deux familles restantes n’ont demandé pas plus que de retrouver le sol de Shilatembo, dans le Haut-Katanga où leurs pères ont été assassinés ensemble avec Lumumba.

« Pour le premier ministre Patrice Lumumba, il y a la dent. Pour Okito et Mpolo, il n’y a rien. Est-ce que nous ne pouvons pas aller là où ils étaient assassinés prendre ne fût-ce que la terre, comme on s’est convenu et faire aussi notre deuil ? L’échangeur de Limete se trouve dans la ville de Kinshasa, comment ne pouvons-nous pas avoir une place pour Okito et Mpolo ? Je demande l’implication de tout le monde. Ils ne sont pas morts pour leurs familles. Ils n’ont pas accepté la corruption des Belges », insiste Jacqueline Mpolo.

Ces regrets de la famille Mpolo qui relaient aussi les frustrations de la famille Okito démontrent que ce deuil national en mémoire du héros national n’est pas forcément vécu de la même manière par les descendants de ces martyrs de l’indépendance. Un petit-fils de Mpolo, son homonyme, Maurice, pensait que l’Etat congolais allait lier le sort de ces trois hommes jusqu’aux hommages nationaux. « De façon symbolique, mettre en exergue deux cercueils avec leurs images, ça aurait été une image forte non seulement pour la famille, mais aussi pour la nation. », a-t-il souhaité au micro de RFI.

Dans ce voyage funéraire de la relique de Lumumba, l’étape de Shilatembo, dans le Haut-Katanga, a semblé rétablir la mémoire de ces deux compagnons de Patrice Lumumba. Sur la devanture du Mausolée de Lumumba, deux bustes de Maurice Mpolo et Joseph Okito ont été aussi construits. Et le Premier ministre Jean-Michel Sama Lukonde a déposé des gerbes de fleurs devant ces bustes lors de la cérémonie d’hommages à Lumumba dans cette contrée du pays. Pour ces hommages nationaux à Lumumba, un deuil national de 4 jours a été décrété de lundi 27 juin à jeudi 30 juin 2022.         

Heshima     

Continue Reading

Histoire

Réparation du passé colonial en RDC : toujours un gout d’inachevé…

Le roi Philippe a effectué une visite de 6 jours en République démocratique du Congo. Du 6 au 11 juin, le souverain belge a été dans 3 villes congolaises. Quant au lourd passé colonial, le descendant de Léopold II n’a pas vraiment exprimé ce que plusieurs Congolais attendaient de lui. Analyse.

Published

on

Mercredi 8 juin, à Kinshasa, le roi Philippe a réaffirmé ses « plus profonds regrets pour les blessures du passé » infligées à l’ex-Congo belge durant la période coloniale, espérant marquer ainsi un nouveau départ dans les relations entre la Belgique et la République démocratique du Congo. Ainsi, pour son premier voyage dans ce que fut la colonie belge, le roi Philippe a rappelé le passé du régime colonial. Ce régime « basé sur l’exploitation et la domination », était « celui d’une relation inégale, en soi injustifiable, marqué par le paternalisme, les discriminations et le racisme. Il a donné lieu à des exactions et des humiliations », a rappelé le souverain belge dans un discours prononcé à Kinshasa, sur l’esplanade du Parlement, devant plusieurs Congolais.

Ces regrets, le roi Philippe les avait déjà formulés, par écrit, dans une lettre au président Félix Tshisekedi il y a deux ans, à l’occasion du 60ème anniversaire de l’indépendance de la République Démocratique du Congo. Pour plusieurs Congolais, ce discours du roi Philippe a laissé un goût d’inachevé. Le roi n’a pas pu évoluer dans ses mots depuis sa lettre adressée à Félix Tshisekedi. Et dans une lettre ouverte adressée au souverain, des intellectuels, des militants syndicaux et associatifs congolais pointent les limites des « regrets » exprimés par le roi des Belges. Pour eux, « exprimer des regrets, c’est également annihiler toute chance de questionner certes la Belgique d’hier, mais également la Belgique d’aujourd’hui qui s’est installée dans une relation néocoloniale avec le Congo depuis son indépendance et qui a travaillé à rigoureusement miner toute possibilité d’éclosion d’une réelle démocratie au cœur de l’Afrique en mettant à mal sa souveraineté comme à l’époque ».

Ces Congolais dont de membres de la LUCHA (Lutte pour le changement) demandent au roi des Belges d’avoir ce courage que n’ont pas eu (ses) prédécesseurs et qui permettra à sa Nation de construire son avenir en se regardant dans le miroir de l’Histoire. Cela, en lui demandant de « faire une déclaration publique en faveur de la justice et des réparations pour les conséquences de la terreur initiée par votre famille sur nos terres ».  

Ce qui démontre pour eux que « des regrets » ne suffisent pas. D’autres réclament des excuses et réparations pour les souffrances endurées et les « pillages » des richesses de la République Démocratique du Congo. Mais le roi ne semble pas prêt à évoluer. Son discours, d’après certaines analyses, était destiné à mettre un trait à ce passé douloureux et revoir autrement des relations entre les deux pays.

Des œuvres d’arts emportées…  

Le roi Philippe, dans sa visite, s’est ensuite rendu au Musée national de la RDC (MNRDC), où a été abordée la question de la restitution des objets d’art à l’ex-colonie, pour laquelle le gouvernement belge a défini une feuille de route en 2021. Là encore, le souverain a prononcé des mots qui ont laissé certains Congolais perplexes. En remettant au musée un masque géant « Kakuungu », qui était utilisé pour des rites d’initiation de l’ethnie Suku, le roi évoque que cet objet est « prêté » pour une durée « illimitée » au Musée congolais par le Musée royal de l’Afrique centrale de Tervuren, près de Bruxelles. Certains Congolais voulaient entendre parler de la restitution tout court et non d’un prêt. Ils veulent voir aussi d’autres objets traditionnels regagner le pays.  

Souvenir des mains coupées…

Le roi Léopold II de Belgique s’est vu attribuer d’immenses territoires autour du bassin du fleuve Congo par les dirigeants européens lors de la conférence de Berlin en 1885, lorsqu’ils se sont partagé les territoires du continent dans le cadre de ce que l’on a appelé la ruée vers l’Afrique. Le roi a appelé son territoire l’État libre du Congo – une colonie personnelle où il avait la liberté de faire ce qu’il voulait.

Les souvenirs des atrocités commises sous cette colonisation ne sont pas encore oubliés. Et des excuses ouvertes de la Belgique qui trainent à arriver ne permettent pas de refermer les plaies définitivement. Villages rasés, asservissement, massacres de masse, tortures et châtiments corporels, rien ne fut épargné aux indigènes congolais qui cherchaient à se soustraire au travail forcé ou ceux qui ne récoltaient pas assez de caoutchouc ou ne rapportaient pas suffisamment de pointes d’ivoire au colonisateur. Ces atrocités commises entre 1885 et 1908 au Congo par l’administration belge du roi Léopold II auraient réduit de moitié la population congolaise de l’époque. Certaines sources évoquent 10 millions d’Africains tués dans certaines des pires atrocités de l’ère coloniale. Après la cession du Congo à la Belgique par Léopold II, certains de ces traitements dégradants ont pu continuer sous la colonie de l’Etat belge entre 1908 et 1960.        

A ce jour, après la visite historique de Kinshasa, Lubumbashi et Bukavu par le roi Philippe et le contentement de son discours de regrets, la réparation du passé colonial a toujours ce goût d’inachevé. Et cela, pendant que d’autres pays comme l’Allemagne ont fait des pas dans la réparation de ce lourd passé. L’Allemagne a reconnu officiellement avoir commis un génocide pendant son occupation de la Namibie à l’époque coloniale et accepté de verser une compensation financière.

Les colons allemands y ont tué des dizaines de milliers de Herero et de Nama lors de massacres au début du XXe siècle. Face à cette tragédie, Le ministre des Affaires étrangères, Heiko Maas, a reconnu que ces meurtres constituent un génocide. « À la lumière de la responsabilité historique et morale de l’Allemagne, nous demanderons pardon à la Namibie et aux descendants des victimes », avait-il déclaré.

Heshima  

Continue Reading

NOUS SOMMES AUSSI SUR FACEBOOK

Trending

You cannot copy content of this page
WeCreativez WhatsApp Support
Notre rédaction est là pour répondre à toutes vos préoccupations. N'hésitez pas !
👋Bonjour, comment puis-je vous aider ?